Les biens et les travaux - DSP
(dernière mise à jour le 05/03/2020)
Textes
- Articles L.1121-3 et L.3114-1 du Code de la commande publique.
- Articles R.3131-3 et 4 du Code de la commande publique.
- Article L 1411-1, alinéa 3, du CGCT.
- Article L 342-14 du code du tourisme.
- Arrêt CE, ass., 21 décembre 2012, Commune de Douai, n°342788.
Les travaux confiés au délégataire
L’article L1121-3 du Code de la Commande Publique précise que « le concessionnaire peut être chargé de construire un ouvrage ou d’acquérir des biens nécessaires au service ».
Lorsque le contrat met ainsi la réalisation de travaux à la charge du délégataire, il convient qu’il définisse les conditions de leur exécution.
Les travaux confiés au délégataire sont précisés dans la convention de délégation de service public tant en ce qui concerne leur consistance, le calendrier de leur réalisation que le contrôle de la collectivité délégante.
L’article L3114-1 du Code de la Commande publique prévoyant qu’il est interdit d’inclure dans le contrat « des clauses par lesquelles le concessionnaire prend à sa charge l’exécution de services, de travaux ou de paiements étranges à l’objet de la concession », les travaux imposés au délégataire dans le contrat de concession sont nécessairement en lien avec le service public délégué.
Le délégataire assure la maitrise d’ouvrage et le financement des travaux qu’il exécute.
L’article L 342-16 du code du tourisme prévoyant que « les règles relatives aux autorisations avant exécution de travaux et mise en exploitation de remontées mécaniques et aménagement du domaine skiable sont fixées par les articles L 445-1 à L 445-4 du code de l’urbanisme » ; c’est au délégataire qu’il appartient de recueillir ces autorisations, sauf pour la collectivité délégante à les avoir déjà sollicitées et obtenues.
Le contrat doit également préciser le rôle du délégataire dans l’entretien et la maintenance des ouvrages.
Il peut imposer au délégataire d’instaurer dans ses comptes un fonds de travaux (le G.E.R. ou « gros entretien renouvellement ») destiné à financer les travaux de gros entretien, et d’agencements nécessaires au fonctionnement du service.
Les biens affectés au service public
Depuis la fin du 19 e siècle, le droit des concessions de service public se réfère à la triple distinction biens de retour / biens de reprise / biens propres du concessionnaire.
À côté de ces trois catégories, il convient également de distinguer les biens mis à la disposition du concessionnaire par la collectivité délégante.
Si le statut d’un bien résulte de son usage dans le cadre de l’exploitation du service public, c’est généralement le cahier des charges de la concession qui détermine la consistance de chaque catégorie, et c’est à lui que le juge s’intéresse en priorité lorsqu’il est appelé à statuer sur un problème de qualification d’un bien[1].
Les précisions apportées dans le cahier des charges s’accompagnent d’un inventaire de l’ensemble des biens qui constituent le patrimoine du service délégué, dressé de façon contradictoire, et qu’il est nécessaire de tenir régulièrement à jour.
En particulier, l’article L3131-5 du CCP impose au concessionnaire de produire chaque année, avant le 1er juin, un rapport dont l’article 3131-4 du CCP impose qu’il comporte un « inventaire des biens désignées au contrat comme biens de retour et de reprise du service concédé ».
LES BIENS MIS À LA DISPOSITION DU DÉLÉGATAIRE
Les biens que la collectivité délégante met à la disposition du délégataire (dans le cas par exemple d’un « affermage ») doivent lui être restitués au terme de la convention ; elle en est en effet la seule propriétaire.
Cette mise à disposition peut être accompagnée d’une redevance mise à la charge du délégataire, mais c’est sur la collectivité délégante, en sa qualité de propriétaire, que pèse la charge des travaux fonciers, sauf clause contraire du contrat. La convention de délégation doit imposer que ces biens soient en bon état de fonctionnement. Il convient également qu’elle prévoit une procédure de contrôle de l’état de ces biens avant la fin de la convention, ainsi que, le cas échéant, une obligation de remise en état sous peine de sanctions pécuniaires.
LES BIENS DE RETOUR
Les biens de retour, meubles ou immeubles, sont ceux dont l’investissement est supporté par le concessionnaire et qui sont nécessaires au fonctionnement du service public.
Ils correspondent à l’hypothèse visée par l’article L1121-3 du Code de la Commande Publique (« le concessionnaire peut être chargé de construire un ouvrage ou d’acquérir des biens nécessaires au service »), l’article L 14111, alinéa 3, du CGCT (« Le délégataire peut être chargé de construire des ouvrages, de réaliser des travaux ou d'acquérir des biens nécessaires au service public »), et l’article L 342-14 du code du tourisme (qui prévoit in fine que la convention de délégation de service public « peut prévoir la participation financière de l'exploitant à des dépenses d'investissement et de fonctionnement occasionnées directement ou indirectement par l'installation de la ou des remontées mécaniques »).
Ces biens présentent une double caractéristique :
- Ils reviennent obligatoirement au concédant en fin de concession, et en principe gratuitement[2].
Il en va toutefois différemment lorsque le bien n’a pas été totalement amorti par le concessionnaire au terme du contrat[3].
En effet, le délégataire de service public a toujours droit, en cas de cessation anticipée de la convention, à l'indemnisation de la valeur non amortie des biens de retour. Ce principe vise à éviter tout enrichissement sans cause de la personne publique à laquelle reviennent des biens apportés par le délégataire.
C'est pourquoi ce principe d’indemnisation s'applique y compris dans l’hypothèse où l’exploitation de la délégation aurait été déficitaire pendant la durée restant à courir de la convention[4].
Toutefois, l’indemnisation des biens de retour ne peut excéder la valeur nette comptable des biens concernés.
Toute clause qui stipulerait une indemnisation des biens de retour supérieure à la valeur nette comptable serait illégale[5].
L’autorité concédante a également la possibilité, si une clause du contrat le prévoit, de faire reprendre par le délégataire à la fin du contrat les biens qui ne sont plus nécessaires au fonctionnement du service public, dans les conditions fixées par le contrat[6].
- L’autorité concédante est considérée comme propriétaire de ces biens ab initio[7].
Ces biens, s’ils sont installés sur le domaine public de l’autorité concédante relèvent dès leur achèvement du régime de la domanialité publique.
À défaut, si les biens affectés au service public ne sont pas établis sur la propriété d’une personne publique, le contrat peut attribuer au délégataire, pour la durée de la convention, la propriété de ces biens, sous réserve de comporter les garanties propres à assurer la continuité du service public[8].
Dans cette hypothèse, les biens sont là encore remis gratuitement à l’autorité concédante en fin de contrat.
Dans la mesure où les biens de retour sont nécessaires à l’exécution du service public, le juge administratif des référés peut ordonner leur restitution par l’ancien délégataire[9].
Il en va différemment lorsque le bien nécessaire au fonctionnement du service public a été acquis par une personne privée avant conclusion de la délégation.
La Cour administrative d’appel de Lyon a ainsi jugé, à propos de remontées mécaniques, que cette dernière hypothèse fait obstacle à la qualification du dit bien en bien de retour[10].
Dans ces conditions, « il appartient toutefois à la collectivité, afin de garantir sa continuité au terme de la convention, de se réserver la faculté pour elle d'en faire l'acquisition ».
LES BIENS DE REPRISE
Les biens de reprise sont des biens qui appartiennent au délégataire, et qui sont utiles mais sans être nécessaires au fonctionnement du service public.
À l’expiration de la convention de délégation, les parties peuvent convenir de la reprise de ces biens par la personne publique délégante, moyennant un prix payé au délégataire qui correspond en principe à la valeur vénale du bien, sauf stipulations contractuelles particulières.
Le contrat peut également prévoir un retour gratuit de ces biens dans le patrimoine de l’autorité délégante[11]. Durant le contrat, c’est le délégataire qui est le propriétaire de ces biens[12].
C’est lui qui assure le cas échéant la maîtrise d’ouvrage des travaux nécessaires pour leur réalisation, et les marchés qu’il passe sont de droit privé.
LES BIENS PROPRES
Les biens propres sont les biens qui ne sont ni utiles, ni nécessaires à l’exploitation du service public, et qui par ailleurs ne lui ont pas été remis par l’autorité concédante.
Ces biens appartiennent au concessionnaire, sauf stipulations contractuelles contraires ou accord des parties au contrat[13].
[1] CE, ass., 21 décembre 2012, Commune de Douai, n°342788.
[2] CE, 9 novembre 1895, Compagne des chemins de fer de l’Est, S.1891. III.-82.
[3] CE, ass., 21 décembre 2012, Commune de Douai, n°342788, cons.8.
[4] CE, 4 mai 2015, Société Domaine Porte des Neiges, n°383208 : « 3. Considérant, d'autre part, que, pour refuser de faire droit à la demande d'indemnisation de la part non amortie des biens de retour, la cour a également jugé que la société n'établissait pas qu'eu égard au caractère structurellement et lourdement déficitaire de l'exploitation de la remontée mécanique en l'absence de réalisation des autres équipements de la station, l'indemnisation de la valeur non amortie des biens qu'elle demandait excèderait la valeur actualisée des pertes d'exploitation qu'elle aurait dû subir de manière prévisible pendant toute la durée de la convention ; qu'en statuant ainsi, alors qu'en cas de résiliation d'une délégation de service public avant son terme et quel qu'en soit le motif, le délégataire a droit à être indemnisé de la valeur non amortie des biens de retour, la circonstance que l'exploitation de la délégation aurait été déficitaire pendant la durée restant à courir de la convention étant à cet égard inopérante, la cour a commis une erreur de droit ; ».
[5] TA Grenoble, 27 mars 2012, SIVU Domaine skiable Les Houches Saint-Gervais et Préfet Haute-Savoie, n° 1104951 et 1200150.
[6] CE, ass., 21 décembre 2012, Commune de Douai, n°342788, cons.6.
[7] CE, 9 décembre 1898, Compagnie du Gaz de Castelsarrazin, S. 1901, III, p.40.
[8] CE, ass., 21 décembre 2012, Commune de Douai, n°342788, cons.4.
[9] CE, 5 février 2014, Sociétés Equalia et Polyxo, n°371121.
[10] CAA Lyon, 16 février 2012, Société Télépente des Gets, n° 10LY02315.
[11] CE, ass., 21 décembre 2012, Commune de Douai, n°342788, cons.7.
[12] CE, 8 juin 1928, Communes de Barges, Gésincourt, Cemboing et Combeaufontaine, rec. 718.
[13] Même arrêt, cons.5.