Rochers d'escalade et responsabilité de la commune
(dernière mise à jour le 22/04/2020)
Présentation de la situation
Les rochers d’escalade sont classés de façon commune parmi les terrains d’aventure. D’après la norme de classement des sites d’escalade par la Fédération française de la montagne et de l’escalade, les terrains d’aventure sont les « falaises, parois non équipées à demeure ou équipées de manière aléatoire, sans vérification. Ce sont les terrains de pratique qui nécessitent la plus grande compétence de la part du grimpeur, il doit en effet placer et évaluer tout ou partie de ses protections. »
Se pose alors la question de la responsabilité de la commune quant aux accidents pouvant survenir dans de tels lieux. Il ne faut pas oublier que l’on ne parle ici que de responsabilité civile ou administrative pour permettre l’indemnisation de la victime de l’accident, et non pas de sanction qui ne concerne que la responsabilité pénale.
Sur le terrain des rochers d’escalade, la victime sera toujours un pratiquant, et les dommages subis le seront en raison d’une chute. La responsabilité civile vient donc identifier le responsable de l’accident pour permettre la réparation des dommages subis par la victime.
Législation actuelle
Article L365-1 du Code de l’environnement La responsabilité civile ou administrative des propriétaires de terrains, de la commune, de l'État ou de l'organe de gestion de l'espace naturel, à l'occasion d'accidents survenus dans le coeur d'un parc national, dans une réserve naturelle, sur un domaine relevant du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres ou sur les voies et chemins visés à l'article L. 361-1, à l'occasion de la circulation des piétons ou de la pratique d'activités de loisirs, est appréciée au regard des risques inhérents à la circulation dans des espaces naturels ayant fait l'objet d'aménagements limités dans le but de conservation des milieux, et compte tenu des mesures d'information prises, dans le cadre de la police de la circulation, par les autorités chargées d'assurer la sécurité publique. |
Article 1242 du Code civil On est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde. […] La mise en jeu de la responsabilité dépend des moyens mis en œuvre en matière de prévention des risques par le gestionnaire dans le but de veiller à la sécurité des usagers et des tiers. |
Ces articles viennent établir le régime de responsabilité qui s’applique à la fois aux propriétaires mais aussi aux gestionnaires des sites naturels, or les rochers d’escalade font partie de ces sites naturels.
En cas d’accidents dans ces zones, la responsabilité civile ou administrative des propriétaires est appréciée au regard des risques inhérents à la circulation dans des espaces naturels ayant fait l’objet d’aménagements limités dans le but de conservation des milieux, et dans le cadre de la police de la circulation, selon les mesures d’informations qui ont été prises, police par les autorités chargées d’assurer la sécurité publique.
Un régime de responsabilité administrative sans faute s’applique aux propriétaires et aux gestionnaires de sites naturels, ce qui inclue les rochers d’escalade qui bénéficient donc du même régime. Ce régime implique donc une obligation de sécurité de moyens et non de résultat concernant les rochers d’escalade : la responsabilité est mise en jeu selon les moyens mis en œuvre en matière de prévention des risques par le gestionnaire dans le but de veiller à la sécurité des usagers et des tiers.
La responsabilité administrative peut se doubler de la responsabilité civile dans un cas bien précis : si la commune a passé une convention d’usage du site avec une fédération sportive. En effet, une convention de ce type vient transférer la responsabilité à la fédération en cas d’accident subi par un usager ou un tiers. La commune est alors exonérée d’une mise en jeu de sa responsabilité : décision du tribunal administratif de Montpellier, 15 décembre 2016, confirmé par un arrêt de la CAA de Marseille le 9 octobre 2017.
Il existe plusieurs cas de responsabilité de la commune :
- Si la commune souhaite assurer la sécurité du site par ses propres moyens par le biais des aménagements nécessaires,
Et que la convention d’usage précise que les interventions de la commune susceptibles de modifier les conditions de sécurité sur le site doivent être préalablement autorisée par la fédération,
- La commune engagera sa responsabilité si ses interventions sur le site n’ont pas été autorisées : CAA Marseille, 9 octobre 2017
- Si la commune place le site en libre accès sans tenir compte des réserves émises par la fédération, alors la commune met en jeu sa responsabilité en cas d’accident, en lien avec un défaut de sécurité ou un défaut d’entretien normal de site (obligation de sécurité de moyens)
- Si aucune convention n’a été passée entre la commune et la fédération, et en cas de libre accès autorisé par la commune, la responsabilité de celle-ci peut être engagée si l’accident est lié à un défaut de sécurité ou à un défaut d’entretien normal du site.
Les services du département sont compétents pour donner leur expertise en matière de sports de nature en application de l’article L.311-3 du Code du sport. C’est une ressource sur laquelle peut s’appuyer la commune.
La faute exonératoire de responsabilité de la commune ou de la fédération sportive
Comme dans tous cas de responsabilité civile, la faute de la victime peut exonérer totalement ou partiellement la responsabilité de la commune ou de la fédération sportive concernant le domaine des terrains d’aventure. L’appréciation de la faute tient compte des consignes habituelles de sécurité adoptées et promues par la Fédération. Toute méconnaissance de ces dites consignes peut donc entraîner la responsabilité du grimpeur. La faute s’apprécie in abstracto, c’est-à-dire indépendamment des dispositions personnelles de l’individu.
Néanmoins, il faut prendre ce dernier point avec précaution. En effet, la responsabilité contractuelle du professionnel est plus facilement engagée si la victime est inexpérimentée, selon les cas. Ainsi, si la victime est un enfant, le simple fait que ce dernier ait pu descendre en rappel seul peut « révéler » une faute de surveillance : Cass. civ. 1re, 6 mars 1996, n° 93-18647.
Seule la faute de la victime peut restreindre la responsabilité de l’auteur du dommage. Pour juger de cette faute, il est fait référence au standard de l’individu normalement prudent et diligent. La victime peut ainsi se voir reprocher son imprudence ou encore sa négligence, notamment en cas d’ignorance délibérée d’une mise en garde.
Jurisprudence
Décision du tribunal administratif de Montpellier, 15 décembre 2016, confirmé par un arrêt de la CAA de Marseille le 9 octobre 2017 :
La responsabilité en cas d’accident subi par un usager ou un tiers sur des rochers d’escalade est transférée à la fédération lorsque la commune a passé une convention d’usage du site avec une fédération sportive. La commune exonérée de sa responsabilité.
Décision du TGI de Toulouse, 14 avril 2016, confirmé par un arrêt de la Cour d’appel de Toulouse, 21 janvier 2019 :
Idem.
Cass. Civ. 1ère, 15 décembre 2011, N°10-23528 et 10-24545 :
La responsabilité contractuelle d’une association sportive est retenue à l’égard d’une pratiquante expérimentée mais non adhérente, ayant refusé la formation mise à disposition par l’association. La responsabilité contractuelle repose donc sur le seul accès aux équipements en cause, sans besoin d’un contrat conclu entre la victime et le responsable.
Cass. Civ. 2ème, 12 juin 1975, n°73-12600 :
La responsabilité de la commune est engagée si les blessures subies par un enfant escaladant un ravin abrupt si les abords de ce ravin n’ont pas été sécurisés alors qu’il était situé non loin d’une école.