Les recours contre le contrat de DSP
(dernière mise à jour le 05/03/2020)
Textes
- Articles L 551-1 à L 551-12 du code de justice administrative
- Articles L 551-13 à L 551-16 du code de justice administrative
- CE, 4 avril 2014, Département de Tarn-et-Garonne, n°358994
Les recours des tiers avant la signature du contrat
LE RECOURS CONTRE LES ACTES DÉTACHABLES DU CONTRAT
Les actes détachables d’un contrat sont ceux qui précédent sa signature. Ils correspondent, en matière de convention de délégation de service public, au choix du délégataire, à la délibération qui autorise la signature de la convention par l’exécutif de la collectivité, à la signature même du contrat.
Si jusqu’à l’arrêt du Conseil d’Etat du 4 avril 2014[1] tous les tiers (c’est-à-dire autres que les parties au contrat) pouvaient saisir le juge administratif d’un recours pour excès de pouvoir contre les actes détachables du contrat, afin d’empêcher, ou de remettre en cause, la signature de celui-ci, désormais seul le Préfet, dans le cadre du contrôle de légalité dont il est chargé, conserve ce droit.
Le Préfet peut exercer une action contre ces actes détachables, y compris en référé, jusqu’à la signature du contrat.
LE RÉFÉRÉ PRÉCONTRACTUEL
Le référé précontractuel est prévu par les articles L 551-1 à L 551-4 et L 551-10 à L 551-12 du code de justice administrative.
Il peut être engagé devant le juge administratif avant la signature du contrat, afin d’empêcher la formation de celui-ci. Dès que le juge du référé précontractuel est saisi, la personne publique ne peut plus signer le contrat. Ce recours ne peut être engagé que par des personnes qui ont « un intérêt à conclure le contrat » et qui sont lésées par le manquement aux règles de droit qu’elles invoquent.
Concrètement, il s’agit des candidats évincés, voire de potentiels candidats éventuellement empêchés de présenter leur candidature, ainsi que le Préfet.
Les « manquements » au droit qui peuvent être invoqués dans le cadre d’un référé précontractuel sont limités : il s’agit de la méconnaissance « des obligations de publicité et de mise en concurrence », dès lors que celle-ci a lésé ou est susceptible d’avoir lésé le candidat qui saisit le juge.
Si le juge accueille la demande, il a les plus larges pouvoirs pour sanctionner les manquements invoqués (article L 551-2 du code de justice administrative : ordonner à l’auteur du manquement de se conformer à ses obligations, suspendre toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, supprimer des clauses, …).
Le juge statue en principe dans un délai maximum de 20 jours.
Les recours des tiers après la signature du contrat
LE RÉFÉRÉ CONTRACTUEL
Le référé contractuel est prévu aux articles L 551-13 à L 551-16 du code de justice administrative.
Il peut être formé auprès du juge administratif après la signature du contrat.
Comme pour le référé précontractuel, les personnes qui sont habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d’être lésées par des manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence, ou le Préfet.
Les pouvoirs du juge lorsqu’il est saisi sont importants et dépendent à la fois de la gravité des irrégularités constatées et des impératifs d’intérêt général à respecter (articles L 551-17 à L 551-23 du code de justice administrative).
LE « RECOURS TARN-ET-GARONNE »
Le recours « Tarn-et-Garonne » tient son nom de l’importante décision rendue le 4 avril 2014 par le Conseil d’Etat. Dans cet arrêt le juge administratif a ouvert à « tout tiers susceptible d’être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses » un recours de pleine juridiction pour contester la validité du contrat ou de certaines de ses clauses. Les tiers concernés ici ne sont pas seulement les concurrents évincés ; il peut s’agir de contribuables locaux, d’association…Ils doivent cependant démontrer en quoi les irrégularités qu’ils invoquent les ont personnellement lésés.
À la différence des référés précontractuels ou contractuels, les irrégularités susceptibles d’être invoquées ne sont pas limitées aux conditions de publicité et de mise en concurrence du contrat ; il s’agit de tout motif de légalité.
S’agissant d’un recours de plein contentieux, le juge dispose des pouvoirs les plus larges en fonction de la gravité de l’illégalité invoquée et de la prise en compte de l’intérêt général.
Ce recours peut être introduit dans le délai de deux mois à compter de « l’accomplissement de mesures de publicité appropriées » permettant à quiconque d’être informé de la conclusion du contrat.
Il convient donc d’être particulièrement vigilant sur les formalités de publicité de la signature afin d’éviter que le délai de recours contre le contrat soit indéfiniment ouvert, et donc de fragiliser celui-ci…
Par ailleurs l’arrêt Département de Tarn-et-Garonne réserve une place particulière d’une part au Préfet, d’autre part aux membres de l’organe délibérant de la collectivité ou du groupement de collectivités. Pour saisir le juge, il n’est pas nécessaire qu’ils démontrent un intérêt personnel lésé.
Ainsi les membres de l’opposition au sein d’une collectivité publique ont été érigés par le juge en véritable gardien de la légalité…
Cette situation nouvelle doit être prise en compte dans l’appréciation du risque contentieux à l’occasion de la conclusion d’un contrat de délégation de service public.
LE RECOURS CONTRE LES DISPOSITIONS RÉGLEMENTAIRES DU CONTRAT
Certaines clauses d’une convention de délégation de service public sont considérées par le juge administratif comme des dispositions réglementaires.
Il s’agit des clauses du contrat qui ne peuvent en réalité être « négociées » par les parties parce qu’elles concernent le cœur même de la prestation de service public.
Non négociées, ces clauses se sont vues reconnaître un caractère « réglementaire » par le juge administratif, qui en a tiré la conséquence[2] qu’elles peuvent faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif de la part des usagers.
Important
Il est primordial de sécuriser la
procédure de passation et de soigner la rédaction du contrat avec l’aide d’un
assistant à maitrise d’ouvrage s’il le faut, car depuis l’arrêt Tarn et Garonne
du Conseil d’Etat, le risque contentieux est élevé. Le juge administratif a
ouvert à « tout tiers susceptible d’être lésé dans ses intérêts de façon
suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses » un recours
de pleine juridiction pour contester la validité du contrat ou de certaines de
ses clauses. |
[1] CE, 4 avril 2014, Département du Tarn-et-Garonne, n°358994.
[2] CE, 10 juillet 1996, Cayzelle, n°138536.