Le contrôle du délégataire par l'autorité délégante
(dernière mise à jour le 05/03/2020)
Textes
- Article L.3131-5 du Code de la Commande publique.
- Article R.3131-2 à 4 du Code de la Commande publique.
- Articles L 1411-3 et L 1411-13 du CGCT.
- Articles L 342-2 et L 343-14 du code du tourisme.
Le pouvoir de contrôle de l'autorité délégante
Il appartient à la collectivité délégante de surveiller la bonne exécution du contrat par le délégataire.
L’ORGANISATION CONTRACTUELLE DU POUVOIR DE CONTRÔLE DE L’AUTORITÉ DÉLÉGANTE
Il est utile que la convention de délégation de service public précise les modalités de contrôle de la collectivité délégante sur son délégataire.
La convention peut ainsi préciser que[1] :
- La collectivité peut exercer ce contrôle au moyen de ses propres services ou par l’intermédiaire d’un organisme de contrôle désigné par elle ;
- La collectivité peut, à tout moment, s’assurer sur pièces et sur place que le service public est assuré conformément aux exigences contractuelles, notamment au regard des conditions de performance et de qualité stipulées dans la convention ;
- La collectivité peut contrôler l’exactitude des informations fournies par le délégataire, au moyen notamment de la consultation de tout document qu’elle estimerait utile ;
- Le délégataire doit prêter son concours aux contrôles diligentés par la collectivité délégante et répondre à toute demande de consultation et de renseignement émanant de celle-ci ;
- À défaut de respecter ces obligations, le délégataire s’expose à des sanctions (dont la convention décrit la procédure et les modalités).
La convention peut également contenir des indicateurs de performance que le rapport annuel d’activités devra renseigner afin de permettre d’apprécier la qualité du service rendu.
LES OBLIGATIONS LÉGALES ET RÉGLEMENTAIRES D’INFORMATION DE L’AUTORITÉ DÉLÉGANTE
L’article L.3131-5 du Code de la Commande publique prévoit que « le concessionnaire produit chaque année un rapport comportant notamment les comptes retraçant la totalité des opérations afférentes à l’exécution du contrat de concession et une analyse de la qualité des ouvrages ou des services ».
Le second alinéa de cet article précise que lorsque la gestion d’un service public est délégué, « ce rapport permet en outre aux autorités concédantes d’apprécier les conditions d’exécution du service public ». Ce rapport doit être produit chaque année par le délégataire avant le 1er juin. Un retard dans la remise de ce rapport peut conduire à des sanctions pécuniaires du délégataire. La production d’un rapport annuel par le délégataire est donc une obligation légale, ce qui n’interdit pas de la rappeler dans le contrat de délégation.
L’article 1411-3 du CGCT précise que « son examen est mis à l’ordre du jour de la plus proche réunion de l’assemblée délibérante qui en prend acte ». En outre le rapport est communiqué à la Commission consultative des services publics locaux si elle existe (article L 1413-1 du CGCT). Ce rapport est également à la disposition du public dans les communes de plus de 3500 habitants (ou les EPCI comportant plus de 3500 habitants, ou les syndicats mixtes comportant une commune de plus de 3500 habitants), par application des dispositions de l’article L 1411-13 du CGCT.
Le contenu de ce rapport annuel est désormais précisé par l’article R.3131-3 du CCP. Cet article liste des éléments obligatoires pour toutes les concessions et des éléments supplémentaires exigés pour les contrats de délégation de service public.
LES ÉLÉMENTS DU RAPPORT ANNUEL COMMUNS À TOUS LES CONTRATS DE CONCESSION
Selon l’article R.3131-3 du CCP, le rapport doit comprendre :
- Des données comptables :
- Le compte annuel de résultat de l'exploitation de la concession rappelant les données présentées l'année précédente au titre du contrat en cours. Pour l'établissement de ce compte, l'imputation des charges s'effectue par affectation directe pour les charges directes et selon des critères internes issus de la comptabilité analytique ou selon une clé de répartition dont les modalités sont précisées dans le rapport pour les charges indirectes, notamment les charges de structure.
- Une présentation des méthodes et des éléments de calcul économique annuel et pluriannuel retenus pour la détermination des produits et charges directs et indirects imputés au compte de résultat de l'exploitation, les méthodes étant identiques d'une année sur l'autre sauf modification exceptionnelle et dûment motivée.
- Un état des variations du patrimoine immobilier intervenues dans le cadre du contrat.
- Un état des autres dépenses de renouvellement réalisées dans l'année conformément aux obligations contractuelles.
- Une analyse de la qualité des ouvrages ou des services demandés au concessionnaire comportant tout élément qui permette d'apprécier la qualité des ouvrages ou des services exploités et les mesures proposées par le concessionnaire pour une meilleure satisfaction des usagers. La qualité des ouvrages ou des services est notamment appréciée à partir d'indicateurs, proposés par le concessionnaire ou demandés par l'autorité concédante et définis par voie contractuelle.
LES ÉLÉMENTS DU RAPPORT ANNUEL SUPPLÉMENTAIRES LORSQUE LE CONTRAT EST UNE DÉLÉGATION DE SERVICE PUBLIC
Lorsque le contrat de concession est un contrat de délégation de service public, l’article 33 du décret du 1er février 2016 prévoit qu’en plus des données mentionnées ci-dessus, le rapport doit contenir :
- Des données comptables complémentaires :
- Un compte rendu de la situation des biens et immobilisations nécessaires à l'exploitation du service public concédé, comportant notamment une description des biens et, le cas échéant, le programme d'investissement, y compris au regard des normes environnementales et de sécurité.
- Un état du suivi du programme contractuel d'investissements en premier établissement et du renouvellement des biens et immobilisations nécessaires à l'exploitation du service public concédé ainsi qu'une présentation de la méthode de calcul de la charge économique imputée au compte annuel de résultat d'exploitation de la concession.
- Un inventaire des biens désignés au contrat comme biens de retour et de reprise du service concédé.
- Les engagements à incidences financières, y compris en matière de personnel, liés à la concession et nécessaires à la continuité du service public.
- Une annexe comprenant un compte rendu technique et financier comportant les informations utiles relatives à l'exécution du service, notamment les tarifs pratiqués, leur mode de détermination et leur évolution, ainsi que les autres recettes d'exploitation.
L’article R.3131-2 du CCP impose que le rapport tienne compte des spécificités du secteur d’activité concerné et respecte les principes comptables d’indépendance des exercices et de permanence des méthodes retenues pour l’élaboration de chacune de ses parties. Il doit permettre la comparaison entre l’année en cours et la précédente. En tout état de cause, il ne suffit pas que le délégataire transmette son rapport. Il doit tenir à disposition de l’autorité publique délégante l’ensemble des pièces justificatives des éléments du rapport. L’autorité délégante dispose en effet d’un droit de contrôle lui permettant de vérifier sur pièces les éléments du rapport.
À ce rapport s’ajoute le rapport particulier prévu par l’article L 342-2 du code du tourisme. En effet l’article L 342-14 du code du tourisme précise que la convention de délégation du service public des remontées mécaniques est établie notamment conformément aux articles L 342-1 à L 342-5 du code du tourisme. Or l’article L 342-2 du code du tourisme impose au cocontractant de fournir chaque année « un compte rendu financier comportant le bilan prévisionnel des activités et le plan de trésorerie faisant apparaître l’échéancier des recettes et des dépenses ».
Le pouvoir de sanction de l’autorité délégante
Si le délégataire ne respecte pas les obligations qui résultent de la convention conclue avec l’autorité délégante, celle-ci dispose de la possibilité de mettre en œuvre à son encontre des sanctions qui peuvent être pécuniaires, coercitives ou résolutoires. La convention de délégation de service public peut prévoir la mise en place d’une commission de conciliation qui permet de traiter les différends susceptibles de naître entre les parties.
LES SANCTIONS PÉCUNIAIRES
Pour que l’autorité délégante puisse prononcer des sanctions pécuniaires à l’encontre du délégataire, il faut qu’elles soient obligatoirement prévues par le contrat. Celui-ci doit non seulement préciser les obligations du délégataire sanctionnées, mais aussi les conditions de mise en œuvre de la pénalité et les modalités de son calcul. Le contrat peut également dispenser l’autorité délégante d’une mise en demeure préalable du délégataire[4]. Les sanctions pécuniaires visent à sanctionner des retards dans la mise en œuvre du service public, des interruptions dans le fonctionnement de celui-ci, des manquements aux règles d’hygiène ou de sécurité, à condition que les manquements reprochés au délégataire lui soient imputables et non dus à une cause extérieure ou à une faute de l’autorité délégante.
Ces sanctions ne visent pas à réparer un préjudice subi par la collectivité ; le montant de la pénalité peut donc être forfaitaire et éventuellement prélevé sur le cautionnement constitué par le délégataire lorsque celui-ci a été prévu par la convention de délégation de service public.
Le délégataire[5] a la possibilité de saisir le juge administratif s’il estime le principe de la pénalité qui lui est infligé non fondé ou le montant de celle-ci abusif. Dans un arrêt en date du 29 décembre 2008 le Conseil d’Etat a reconnu la compétence du juge administratif pour moduler le montant des pénalités de retard.
L’autorité délégante a toujours la possibilité de renoncer au bénéfice des pénalités auxquelles elle a contractuellement droit.
Il s’agit là fréquemment d’un sujet de négociation entre les parties au contrat.
LES SANCTIONS COERCITIVES
Si le délégataire commet une faute grave, l’autorité concédante peut, à titre temporaire, se substituer à lui ou lui substituer un tiers dans l’exécution de la convention de délégation du service public. La collectivité, ou le tiers, prend possession des locaux et des matériels du délégataire, et dirige son personnel pour l’exécution du service. Le service est ainsi mis provisoirement en régie (juridiquement « mis sous séquestre »).
Cette mesure peut être prononcée même si elle n’est pas prévue par le contrat. Elle est en effet considérée par le juge administratif comme « inhérente à tout contrat passé pour l’exécution du service public[6] ». Il est néanmoins utile qu’elle soit visée par le contrat et que celui-ci organise sa mise en œuvre et ses conséquences, notamment financières. Compte tenu de sa gravité, la mise sous séquestre ne peut être mise en œuvre qu’après qu’une mise en demeure ait été adressée au délégataire, qui précise à celui-ci les faits qui lui sont reprochés et qui lui laisse un délai suffisant pour y répondre. Durant la mise sous séquestre les effets de la convention sont suspendus[7], le délégataire ne perçoit plus de rémunération mais il continue de supporter le risque d’exploitation jusqu’à la fin de la mesure. Lorsqu’est ainsi mise en œuvre une sanction coercitive, le Conseil d’Etat a jugé, par un arrêt en date du 14 février 2017[8] que : « en cas d’urgence résultant de l’impossibilité dans laquelle se trouve la personne publique, indépendamment de sa volonté, de continuer à faire assurer le service par son cocontractant ou de l’assurer elle-même, elle peut, lorsque l’exige un motif d’intérêt général tenant à la continuité du service, conclure, à titre provisoire, un nouveau contrat de concession de services sans respecter au préalable les règles de publicité prescrites ».
La substitution d’un tiers au délégataire défaillant peut donc intervenir sans mise en concurrence. Il ne peut s’agir cependant que d’une mesure provisoire. Le Conseil d’Etat précise en effet que la durée de ce contrat « ne saurait excéder celle requise pour mettre en œuvre une procédure de publicité et de mise en concurrence, si la personne publique entend poursuivre l’exécution de la concession de services ou, au cas contraire, lorsqu’elle a la faculté de la faire, pour organiser les conditions de sa reprise en régie ou pour en redéfinir la consistance ».
LES SANCTIONS RÉSOLUTOIRES
En cas de faute d’une particulière gravité commise par le délégataire, le contrat de délégation de service public peut, après mise en demeure, être résilié.
C’est le cas par exemple si le délégataire abandonne ou interrompt le service public, s’il cède le contrat sans y être autorisé, s’il manque gravement à ses obligations financières.
Cependant la résiliation ne peut être prononcée par l’autorité délégante que si une clause expresse du contrat le prévoit[9] ; à défaut elle est prononcée par le juge administratif saisi par la personne publique.
Lorsqu’en vertu d’une stipulation du contrat l’autorité délégante prononce la résiliation, le délégataire peut lui-même saisir le juge administratif afin de faire annuler et d’obtenir du juge qu’il ordonne la reprise des relations contractuelles[10]. Cette reprise peut également être ordonnée en référé[11]. Lorsqu’elle est prononcée la résiliation (ou la déchéance) intervient aux torts et au risque du délégataire. Il en supporte les conséquences financières et ne peut prétendre être indemnisé sauf pour ce qui concerne le cas échéant la valeur non-amortie des investissements qu’il a réalisés[12].
Par ailleurs dans cette hypothèse l’autorité délégante conserve le droit de demander réparation du préjudice résultant de la faute du délégataire.
La solution dégagée par le Conseil d’Etat dans l’arrêt du 14 février 2017 évoqué ci-dessus trouve également à s’appliquer dans l’hypothèse d’une résiliation du contrat.
À titre provisoire, vu l’urgence, l’autorité délégante peut confier l’exécution du contrat à un tiers sans publicité ni mise en concurrence, le temps d’organiser une nouvelle délégation du service public ou sa reprise en régie.
Important
Si le délégataire ne respecte pas
les obligations légales de remise du rapport annuel au 1er juin de chaque
année, il peut s’expose à des sanctions pécuniaires, si celles-ci sont prévues
par le contrat. |
[1] Sur ce point, G. Eckert, Jurisclasseur Contrats et Marches Publics, Exécution de la convention de DSP, n°8.
[4] À défaut d’une telle clause, la mise en demeure préalable du délégataire sera obligatoire avant le prononcé de la sanction.
[5] CE, 29 décembre 2008, OPHLM de Puteaux, n°296930.
[6] CE, 6 mai 1985, OPHLM d’Avignon / Guichard et autres, RDP 1985, p.1706.
[7] CE, 3 août 1910, Gilles, rec. 686.
[8] CE, 14 février 2017, Société Sea Invest Bordeaux, n°405157.
[9] CE, 27 février 2004, Commune de Morzine, rec. 226 ; CE, 19 octobre 2001, Syndicat intercommunal Guzet-Neige, n°212677.
[10] CE, 21 mars 2011, Commune de Béziers, n°304806.
[11] CE, 17 juin 2015, Commune d’Aix-en-Provence, n°388433.
[12] CE, 20 mars 1957, Société des établissements thermaux d’Ussat-les-bains, rec. 182.