JURISMONTAGNE
PLATEFORME JURIDIQUE AU SERVICE DES ADHÉRENTS
DE L'ASSOCIATION NATIONALE DES MAIRES DES STATIONS DE MONTAGNE
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Les ressources du délégataire

Fiche publiée le 27/02/2020
(dernière mise à jour le 05/03/2020)
Description :
DSP - service public - redevances - aides financières. Les ressources du délégataire sont principalement constituées par les redevances perçues sur les usagers du service public, par des aides financières de la collectivité ou encore par des activités accessoires.

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Textes

  • Article R3131-4 du Code de la Commande publique.
  • Article L3114-1 du Code de la Commande Publique.
  • Articles L 2224-1 et L 3241-5 du CGCT.
  • Article L 112-2 du code monétaire et financier.

Les tarifs du service public délégué

LA COMPÉTENCE POUR FIXER LE TARIF

L’article L3114-6 du Code de la Commande Publique précise que le contrat de concession « détermine les tarifs à la charge des usagers et précise l’incidence sur ces tarifs des paramètres ou indices qui déterminent leur évolution ». Le tarif à la charge des usagers est donc fixé d’un commun accord des parties dans le contrat de concession, et ne relève pas de la seule décision de l’autorité publique délégante.

La clause fixant le calcul du tarif est une stipulation réglementaire qui peut faire l’objet d’un recours en annulation de la part de tiers[1]. Le contrat doit également contenir une clause de révision ou d’évolution de ce tarif selon des critères suffisamment précis. Les indices choisis doivent être en rapport avec l’objet du contrat ou l’activité d’une des parties[2].

Si la clause de révision est mise en œuvre, le nouveau tarif qui en résulte ne s’applique que pour l’avenir, sans effet rétroactif possible[3].

LES RÈGLES DE FOND DE LA FIXATION DU TARIF

Le tarif d’accès au service public doit être fixé en respectant trois principes : 

  • Le principe d’équilibre financier du contrat

Le principe de l’équilibre financier du contrat implique que les recettes perçues par le délégataire doivent lui permettre de couvrir ses dépenses d’exploitation, de rémunérer de façon raisonnable les capitaux investis et de dégager un bénéfice raisonnable.

Le niveau de fixation des tarifs, et leur évolution, sont l’un des éléments essentiels de cet équilibre financier.

L’article R3131-4 du Code de la Commande publique impose au délégataire de produire en annexe du rapport annuel qu’il produit à destination de l’autorité concédante un « compte rendu technique et financier comportant les informations utiles relatives à l’exécution du service, notamment les tarifs pratiqués, leur mode de détermination et leur évolution, ainsi que les autres recettes d’exploitation ».

Le principe de proportionnalité du tarif

L’article L3114-1 du Code de la Commande Publique prévoit l’impossibilité d’inclure dans le contrat de concession « des clauses par lesquelles le concessionnaire prend à sa charge l’exécution de services, de travaux ou de paiements étrangers à l’objet de la concession ».

S’agissant des services publics industriels et commerciaux (SPIC), comme le service public des remontées mécaniques, le Conseil d’Etat a jugé que leurs tarifs « qui servent de base à la détermination des redevances demandées aux usagers en vue de couvrir les charges du service, doivent trouver leur contrepartie directe dans le service rendu aux usagers »[4].

Le tarif doit donc être fixé en prenant en charge l’ensemble des coûts supportés par le délégataire, à l’exclusion de toute dépense étrangère à l’objet du service.

Dans un arrêt d’assemblée en date du 16 juillet 2007[5] le Conseil d’Etat a posé en principe que : « le respect de la règle d’équivalence entre le tarif d’une redevance et la valeur de la prestation ou du service peut être assuré non seulement en retenant le prix de revient de ce dernier, mais aussi en fonction des caractéristiques du service, en tenant compte de la valeur économique de la prestation pour son bénéficiaire. Dans tous les cas le tarif doit être établi selon des critères objectifs et rationnels, dans le respect du principe d’égalité entre les usagers du service public et les règles de concurrence ».

Il est donc possible de fixer un tarif supérieur au coût de revient du service, sous réserve de le justifier.

  • Le principe d’égalité entre les usagers du service

Le principe d’égalité devant le service public est un principe qui a une valeur constitutionnelle[6] 63. Il implique que toutes les personnes se trouvant placées dans une situation identique à l’égard du service public soient régies par les mêmes règles.

A contrario, des personnes placées dans des situations différentes peuvent faire l’objet d’un traitement différent.

Toute différence tarifaire en matière d’accès à un SPIC doit donc être justifiée : 

  • soit par des considérations d’intérêt général en rapport avec l’exploitation du service 
  • soit fondée sur des différences objectives de situation des usagers concernés.

En matière d’accès au service public des remontées mécaniques, des tarifs préférentiels au bénéfice des habitants de la collectivité exploitante ou délégante sont régulièrement censurés par le juge administratif.

Le juge[7] considère ainsi que ne peut justifier une discrimination tarifaire la simple qualité de contribuable local, ni l’invocation de l’isolement de la collectivité publique, ni des « droits d’usage ancestraux », …

La justification d’un tarif préférentiel en raison du domicile de l’usager, si elle est fréquemment pratiquée, semble contraire au droit communautaire, et en conséquence juridiquement fragile[8].

En revanche des tarifs différenciés d’accès au service en fonction de l’heure, ou des périodes de la semaine ou de l’année, afin d’optimiser l’usage des infrastructures, sont conformes au principe d’égalité, comme des formules d’abonnement permettant de bénéficier d’un tarif privilégié.

Les aides accordées au délégataire par l’autorité délégante

La possibilité pour la collectivité publique d’accorder des aides financières au délégataire est, en matière de SPIC, doublement encadrée, par le droit interne et par le droit communautaire.

L’ENCADREMENT PAR LE DROIT INTERNE DES AIDES VERSÉES AU DÉLÉGATAIRE

S’agissant des SPIC communaux, l’article L 2224-1 du CGCT dispose que « les budgets des services publics à caractère industriel ou commercial exploités en régie, affermés ou concédés par les communes, doivent être équilibrés en recettes et en dépenses ». Le même principe vaut pour les SPIC départementaux (article L 3241-5 du CGCT).

En conséquence, l’article L 2224-2 du CGCT interdit aux communes de prendre en charge dans leur budget propre des dépenses au titre des SPIC. Le principe est donc celui de l’illégalité des subventions versées aux SPIC.

Ce principe comporte cependant deux exceptions précisées à l’alinéa 2 de l’article L 2224-2[9] 66 du CGCT.

Il est précisé en effet que des dépenses au titre d’un SPIC peuvent être prises en charge par le budget de la collectivité lorsque :  

  • Les exigences du service public conduisent la collectivité à imposer des contraintes particulières de fonctionnement. 
  • Le fonctionnement du service public exige la réalisation d'investissements qui, en raison de leur importance et eu égard au nombre d'usagers, ne peuvent être financés sans augmentation excessive des tarifs.

Le même article ajoute que « la décision du conseil municipal fait l'objet, à peine de nullité, d'une délibération motivée. Cette délibération fixe les règles de calcul et les modalités de versement des dépenses du service prises en charge par la commune, ainsi que le ou les exercices auxquels elles se rapportent ».

En tout état de cause « cette prise en charge ne peut se traduire par la compensation pure et simple d'un déficit de fonctionnement », et dans l’hypothèse où le service public a été délégué, « la part prise en charge par le budget propre ne peut excéder le montant des sommes données au délégataire pour sujétions de service public et représenter une part substantielle de la rémunération de ce dernier ».

Une concession de service public implique en effet un transfert du risque d’exploitation (article L.1121-1 du CCP) incompatible avec une compensation intégrale du déficit.

L’ENCADREMENT PAR LE DROIT COMMUNAUTAIRE DES AIDES VERSÉES AU DÉLÉGATAIRE

L’article 107 §1 du Traité fondateur de l’Union européenne (TFUE) prévoit que « sauf dérogations prévues par les traités, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ».

Cependant dans un important arrêt du 24 juillet 2003[10] la Cour de justice a admis que des aides qui sont des mesures de stricte compensation d’obligations de service public (COSP) imposées à un opérateur économique (par exemple un délégataire de service public) puissent ne pas être considérées comme des aides d’Etat sous réserve de conditions restrictives posées par cet arrêt imposant notamment que la « compensation » n’excède pas ce qui est strictement nécessaire pour couvrir les coûts occasionnés par la prise en charge des obligations de service public.

Le contrôle de conformité de la fixation des COSP au regard des exigences du droit communautaire peut être exercé par le juge administratif[11].

Les activités complémentaires du délégataire

Le délégataire peut prendre en charge des activités ou des prestations complémentaires à l’objet de la délégation de service public et qui présentent un intérêt au regard de cet objet.

Il n’est pas nécessaire que ces activités soient expressément autorisées par l’autorité délégante, dès lors qu’elles ne sont pas susceptibles d’affecter les conditions d’exécution de la mission de service public qui est déléguée ou à faire courir un risque financier supplémentaire au délégataire.

Les conditions de développement par le délégataire d’une activité complémentaire doit se faire dans le respect de la liberté du commerce et de l’industrie et des règles de la concurrence.

La prise en charge de cette activité doit donc correspondre à un intérêt public, parce qu’il n’existe pas d’initiative privée concurrente ou parce que cette activité est le « complément normal et nécessaire » de l’activité de service public.

En outre, si elle est possible, elle ne doit pas se réaliser dans des conditions qui fausseraient le libre jeu de la concurrence en raison des privilèges dont disposerait le délégataire du fait de la mission de service public dont il est chargé.

Ces activités complémentaires génèrent des recettes pour le délégataire, qui doivent être prises en compte dans la convention de DSP pour établir l’équilibre financier du contrat et le niveau des tarifs.

La collectivité délégante peut être intéressée à la perception des recettes complémentaires par son délégataire, ce qui implique alors que le contrat justifie de leur montant et de leur mode de calcul (article 31 de l’ordonnance du 29 janvier 2016).



[1] CE, 10 juillet 1996, Cayzeelle, n°138536.

[2] Article L 112-2 du code monétaire et financier.

[3] . CE, 25 juin 1948, Société du journal l’Aurore, rec. 289.

[4] CE, 30 septembre 1996, Société Stéphanoise des eaux, n°156176.

[5] CE, 30 septembre 1996, Société Stéphanoise des eaux, n°156176.

[6] Cons. const., 18 septembre 1986, déc. N°86-217 DC.

[7] Par exemple CAA Bordeaux, 13 novembre 2007, Régie des sports d’hiver de Luz-Ardiden, n°06BX01607.

[8] CJCE, 16 janvier 2003, Commission / République italienne, aff. C-388/01/DA, mars 2003.

[9] La troisième exception prévue par cet article, relative à la fin d’une « période de réglementation des prix » n’est pas effective dans le cas des remontées mécaniques.

[10] CJCE, 24 juillet 2003, aff. C-280/00, Altmark Trans, rec. CJCE 2003, I, p.7747.

[11] CE, 13 juillet 2012, Compagnie méridionale de navigation et Société nationale Corse Méditerranée,n°355616.