Limitation de la notion de bien de retour dans une DSP
(dernière mise à jour le 23/05/2023)
Présentation de la situation
D’après un arrêt de la Cour administrative d’appel de Bordeaux, en date du 28 février 2023, n°21BX01167, un tiers au contrat de délégation de service public ne peut se voir privé de son bien au profit de la commune délégante.
Quelles sont les circonstances de l’arrêt ?
En l’espèce, la commune de Sanilhac a conclu le 26 mai 1998 un contrat de délégation de service public avec une société pour la gestion et l’exploitation d’un crématorium pour une durée de 20 ans. Le même jour, un contrat de bail a été conclu en présence de la commune, et les installations du crématorium ont été louées pour la même durée à la société délégataire. Les durées des deux contrats ont par suite été prolongées jusqu’au 25 mai 2021.
Par anticipation de la fin de la DSP, le conseil municipal de la commune a décidé, par délibération du 9 septembre 2019, de conclure un bail emphytéotique avec la propriétaire des installations pour permettre le lancement d’une procédure de passation d’une concession du service public de crémation.
Par une lettre du 25 septembre 2019, le préfet de la Dordogne a demandé au maire, sans succès, de retirer cette délibération avant de déférer devant le tribunal administratif de Bordeaux. Ce dernier a considéré que le crématorium était entré dans le patrimoine de la commune à compter de la signature de la DSP, le 26 mai 1998 (constituant un bien de retour). De ce fait, les délibérations municipales de 2019 étaient dépourvues de cause juridique et donc annulées. Appel est interjeté.
Que dit l’arrêt ?
Dans cet arrêt, la Cour administrative d’appel reconnait le rappel fait par le tribunal : le régime des contrats de concession de service public exclut de la catégorie des biens de retour les biens appartenant à des tiers, alors même qu’ils ont été mis à la disposition du concessionnaire pour être affectés à l’exploitation du service, quand bien même ils sont nécessaires à son fonctionnement.
Toutefois, le tribunal a estimé que le contrat
de bail et le contrat de DSP formaient un ensemble contractuel, la propriétaire
ne pouvant donc être regardée comme un tiers à la DSP. Pour cela, il s’appuie
sur la conclusion des contrats le même jour et pour une durée identique, mais
également sur le fait que la commune détient un droit de regard sur l’ensemble
des travaux portant sur le crématorium et que l’exercice de la DSP est à l’évidence
subordonné au maintien du contrat de bail.
Or, ces contrats n’ont pas été signés par les mêmes
parties, contrairement à la jurisprudence comparable. Ces précédents n’ont pas
pour objet ni effet d’attraire un tiers à un contrat qu’il n’a pas signé.
Le contrat de bail n’emporte aucune obligation
pour la commune. Le contrat n’implique d’ailleurs aucune participation de la
propriétaire à l’exécution du service public funéraire ainsi qu’aux aléas
inhérents à cette exécution. Il ne prévoit pas de transfert de propriété en
faveur de la société délégataire ou de la commune, et donc aucune compensation
financière de ce transfert de propriété. Une telle compensation n’a peu être
prévue par le contrat de DSP car la propriétaire n’en est pas partie. Or, d’après
la jurisprudence Communauté de communes de la vallée de l’Ubaye, le Conseil d’Etat
précise que lorsque la signature de la DSP conduit à ce qu’un bien dont le
délégataire était propriétaire fasse l’objet d’un retour gratuit à la personne
publique, il appartient aux parties de prendre en compte cet apport dans la
définition de l’équilibre économique du contrat.
Or en l’espèce, rien de tel n’a été prévu, la
propriétaire devant le rester au terme de l’exécution du contrat de bail.
D’ailleurs, si le contrat de bail avait été
conclu avec la commune directement, avant une mise à disposition des
installations à la société délégataire, la question d’un transfert du bien à la
commune au terme du contrat ne serait pas posée, alors que la participation de
la propriétaire est identique.
Il s’avère en l’espèce que la propriétaire et le
délégataire sont mariés. Rien ne permet d’affirmer que l’économie de la DSP
aurait été affectée au détriment de cette dernière par les liens existant entre
la donneuse à bail et le délégataire. Les conséquences prévues par le tribunal
administratif n’ont donc pas lieu d’être.
La CAA de Bordeaux annule le jugement du 8
février 2021 du TA de Bordeaux et rejette la demande du préfet de la Dordogne. Il
ne s’agit pas d’un bien de retour.
Conclusion
Par cet arrêt, la CAA confirme qu’un tiers au
contrat ne peut être impacté par le retour gratuit d’un bien de retour à la
commune délégante. La conclusion le même jour et pour une même durée d’un
contrat de bail et d’un contrat de DSP ne suffisent pas à en faire un ensemble
contractuel faisant du tiers une partie au contrat.
Les biens de
retour ne concernent donc uniquement que les biens du délégataire nécessaires
au fonctionnement du service public et non pas ceux du tiers au contrat de
DSP, même s’ils paraissent liés à l’exécution du contrat dans un ensemble
contractuel.