JURISMONTAGNE
PLATEFORME JURIDIQUE AU SERVICE DES ADHÉRENTS
DE L'ASSOCIATION NATIONALE DES MAIRES DES STATIONS DE MONTAGNE
CONNEXION

Délégation de Service Public et biens de retour

Fiche publiée le 22/01/2020
(dernière mise à jour le 24/02/2020)
Description :
biens de retour – délégation de service public - biens de reprise – biens propres – concession – service public - DSP

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Présentation

La question des biens de retour se pose de façon fréquente concernant les délégations de service public. Il faut ainsi rappeler que les biens de retour sont les meubles et immeubles indispensables à l’exécution du service public. Ces biens font normalement retour gratuitement à la personne publique à la fin de la concession. 

« Les biens de retour sont les biens indispensables au service, […] La particularité des biens de retour consiste en ce que, alors même qu’ils ont été acquis par le délégataire en cours d’exploitation, ils appartiennent ab initio à la collectivité publique et relèvent donc de son domaine public, alors que les autres biens sont la propriété du délégataire […] » 

Laurent Richer, Droit des contrats administratifs, LGDJ 6ème édition, pp. 599-600 


 « les biens de retour définissent les biens, de toute nature, acquis ou construits mais aussi financés par un concessionnaire de service public ou de travaux publics en vue de l'exécution du contrat et qui sont nécessaires au fonctionnement du service public. Si par principe, ces biens appartiennent, dès leur acquisition ou leur construction, à la personne publique, la convention peut en disposer autrement. À l'expiration de la convention, ces biens font gratuitement retour dans le patrimoine de l'administration concédante à condition d'avoir été complètement amortis au cours de l'exécution du contrat. À défaut une indemnisation est due au concessionnaire (correspondant à la valeur nette comptable des biens) ainsi qu'en cas de résiliation anticipée du contrat par l'administration »

Frédéric Lombard, Revue trimestrielle de droit commercial, 1 avril 2019, pp347-349

La catégorie des biens de retour est à distinguer de deux autres catégories que sont : 

  • Les biens de reprise, pour lesquels la personne délégante a la possibilité de les racheter à la fin de la concession
  • Les biens propres, qui restent dans la propriété du délégant, sauf accord particulier entre parties.

 Jurisprudence 

Sur la distinction entre biens de retour et biens propres : CE 21 avril 1997, Ministre du Budget c/ SAGIFA, requête numéro 147602

Sur la notion et le régime des biens de retour : CE Ass. 21 décembre 2012, Commune de Douai, requête numéro 342788  

  • « dans le cadre d'une délégation de service public ou d'une concession de travaux mettant à la charge du cocontractant les investissements correspondant à la création ou à l'acquisition des biens nécessaires au fonctionnement du service public, l'ensemble de ces biens, meubles ou immeubles, appartient, dans le silence de la convention, dès leur réalisation ou leur acquisition à la personne publique » 
  • « les biens qui n'ont pas été remis par le délégant au délégataire en vue de leur gestion par celui-ci et qui ne sont pas indispensables au fonctionnement du service public sont la propriété du délégataire, à moins que les parties n'en disposent autrement » 
  • « les biens qui sont entrés, en application des principes énoncés ci-dessus, dans la propriété de la personne publique et ont été amortis au cours de l'exécution du contrat font nécessairement retour à celle-ci gratuitement, sous réserve des clauses contractuelles permettant à la personne publique, dans les conditions qu'elles déterminent, de faire reprendre par son cocontractant les biens qui ne seraient plus nécessaires au fonctionnement du service public » Le délégataire ne peut, en fin de contrat, obtenir en principe aucune indemnisation pour les investissements qu’il aurait réalisé sur le bien de tiers.

Sur la question des biens apportés par le concessionnaire à la concession : CE, sect., 29 juin 2018, Min. de l'Intérieur c/ Communauté de Communes de la vallée de l'Ubaye, req. n° 402251 

  • Il s’agit ici des biens meubles ou immeubles qui lui appartiennent avant la conclusion du contrat et qu’il utilise en vue de l’exécution du service. Cet arrêt vient établir que ces biens, même s’ils appartenaient en propre au concessionnaire avant la conclusion du contrat, peuvent se voir appliquer le régime des biens de retour. Il y a alors transfert de propriété à la personne publique. Les parties peuvent prendre en compte l’apport que constitue cette mise à disposition dans la définition de l’équilibre économique du contrat par le biais d’une indemnisation du concessionnaire (dans le contrat ou à l’issue de celui-ci) 
  • Un arrêt de renvoi de la Cour d’Appel de Marseille, rendu le 16 décembre 2019, vient confirmer l’arrêt du Conseil d’Etat : plusieurs jugements ont ainsi successivement confirmé que les équipements nécessaires au fonctionnement normal de la station sont considérés comme des biens de retour à l’issue de l’exploitation de la station par la SARL Couttolenc. Ils n’ont donc pas à être payés par la Communauté de communes de la vallée de l’Ubaye qui a repris la gestion de la station en régie. 

Sur la question des provisions pour renouvellement constituées par les concessionnaires grâce aux tarifs perçus sur les usagers : Conseil d'État, 18 octobre 2018, Électricité de Tahiti (EDT Engie), requête n° 420097 

  • Ces provisions permettent le renouvellement des biens nécessaires au fonctionnement du service public. Le Conseil d’Etat a estimé que ces sommes, surestimées ou inutilisées, devaient revenir à l’administration lorsqu’elles portent sur des biens de retour, même si ces sommes excèdent le montant estimé pour les travaux de renouvellement. Ces provisions peuvent donc être englobés dans les biens de retour. 
  • « les sommes requises pour l'exécution des travaux de renouvellement des biens nécessaires au fonctionnement du service public qui ont seulement donné lieu, à la date d'expiration du contrat, à des provisions, font également retour à la personne publique. Il en va de même des sommes qui auraient fait l'objet de provisions en vue de l'exécution des travaux de renouvellement pour des montants excédant ce que ceux-ci exigeaient, l'équilibre économique du contrat ne justifiant pas leur conservation par le concessionnaire »

Sur la qualification du logement de fonction comme bien propre : Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 11 mai 2016, requête n°375533 

« Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce que soutient la commune de Douai, la cour administrative d'appel de Douai ne s'est pas, pour qualifier de biens propres de la société ERDF les logements objet de la demande, fondée sur la dernière affectation donnée par le concessionnaire à ces biens mais a estimé, cette appréciation valant pour toute la durée de la concession, qu'eu égard à la circonstance qu'ils pouvaient être attribués à des agents indépendamment de tout lien avec les fonctions qu'ils exerçaient au sein de la société et, en particulier, indépendamment de tout lien avec la concession de distribution d'électricité de Douai, ils n'étaient pas indispensables à l'exploitation de la concession ; que, par suite, la cour n'a pas commis l'erreur de droit qui lui est reprochée par la commune de Douai »

Sur la résiliation anticipée des concessions de service public : CE, 27 janvier 2020, Toulouse Métropole, n°422104

Lorsque la collectivité publique résilie une concession de service public avant son terme normal, « le concessionnaire est fondé à demander l’indemnisation du préjudice qu’il subit à raison du retour des biens nécessaires au fonctionnement du service public à titre gratuit dans le patrimoine de cette collectivité, lorsqu’ils n’ont pu être totalement amortis, soit en raison d’une durée du contrat inférieure à la durée de l’amortissement de ces biens, soit en raison d’une résiliation à une date antérieure à leur complet amortissement. Lorsque l’amortissement de ces biens a été calculé sur la base d’une durée d’utilisation inférieure à la durée du contrat, cette indemnité est égale à leur valeur nette comptable inscrite au bilan. Dans le cas où leur durée d’utilisation était supérieure à la durée du contrat, l’indemnité est égale à la valeur nette comptable qui résulterait de l’amortissement de ces biens sur la durée du contrat. Si, en présence d’une convention conclue entre une personne publique et une personne privée, il est loisible aux parties de déroger à ces principes, l’indemnité mise à la charge de la personne publique au titre de ces biens ne saurait en toute hypothèse excéder le montant calculé selon les modalités précisées ci-dessus ». 

Les lois des 29 janvier 1993 et 2 février 1995 limitant la durée des délégations de service public en matière d’eau et d’assainissement ne font pas obstacle à l’application des règles ainsi définies en cas de résiliation d’un contrat conclu antérieurement (CE Ass., 8 avril 2009, Compagnie générale des eaux, Commune d’Olivet, n°271737, au recueil)