Faire un recours contre une enquête publique
(dernière mise à jour le 12/02/2021)
Il arrive qu’une autorisation
administrative soit annulée par le juge administratif au motif qu’elle
intervient au terme d’une procédure irrégulière. Le vice de procédure est la
cause de l’autorisation ainsi délivrée. Ce vice de procédure peut notamment
procéder d’une insuffisance du rapport rédigé par le Commissaire enquêteur
après la clôture de l’enquête publique.
Article R.123-20 du Code
de l’environnement "A la réception des
conclusions du commissaire enquêteur ou de la commission d'enquête, l'autorité compétente pour organiser
l'enquête, lorsqu'elle constate une insuffisance ou un défaut de
motivation de ces conclusions susceptible de constituer une irrégularité dans
la procédure, peut en informer le président du tribunal administratif ou le
conseiller délégué par lui dans un
délai de quinze jours, par lettre d'observation. Si l'insuffisance ou le
défaut de motivation est avéré, le président du tribunal administratif ou le
conseiller qu'il délègue, dispose de quinze
jours pour demander au commissaire enquêteur ou à la commission d'enquête
de compléter ses conclusions. En
l'absence d'intervention de la part du président du tribunal
administratif ou du conseiller qu'il délègue dans ce délai de quinze jours, la demande est réputée rejetée. La
décision du président du tribunal administratif ou du conseiller qu'il
délègue n'est pas susceptible de recours. Dans un délai de quinze jours à compter
de la réception des conclusions du commissaire enquêteur ou de la commission
d'enquête, le président du tribunal
administratif ou le conseiller qu'il délègue peut également intervenir de
sa propre initiative auprès de son auteur pour qu'il les complète, lorsqu'il
constate une insuffisance ou un défaut de motivation de ces conclusions
susceptible de constituer une irrégularité dans la procédure. Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête est tenu de
remettre ses conclusions complétées à l'autorité compétente pour organiser
l'enquête et au président du tribunal administratif dans un délai d'un mois." |
Deux personnes peuvent ainsi
engager une demande de modification des conclusions du Commissaire enquêteur
lorsque « l’insuffisance ou le
défaut de motivation est avéré » :
-
L’autorité
compétente pour organiser l’enquête publique
-
Le
président du tribunal administratif ou le conseiller délégué.
Cette demande de modification doit être faite sous 15 jours !
La procédure de modification du
rapport du Commissaire enquêteur ne peut être engagée directement par le
pétitionnaire, demandeur de l’autorisation objet de l’enquête publique.
Le pétitionnaire doit :
-
Procéder dans un délai très court à un audit juridique
du rapport du Commissaire enquêteur pour identifier les risques d’insuffisance
de celui-ci au regard des exigences de la jurisprudence. Cet audit doit être
anticipé au cours de l’enquête publique.
-
Alerter immédiatement l’autorité compétente pour
engager une procédure de modification du rapport.
Le contentieux relatif aux enquêtes
publiques doit faire l’objet d’une attention particulière. En effet, la
collectivité peut soit en subir les conséquences si elle est porteuse du projet
soit utiliser ce contentieux pour s’opposer à un projet.
Les irrégularités relatives à
l’enquête publique peuvent être invoquées à l’occasion d’un recours contre la
décision administrative qui approuve le projet. Elles entraînent, dans des cas
cependant assez rares, l’annulation de la décision par le juge administratif.
L’enquête publique est une
procédure administrative, elle doit être menée le plus correctement possible
pour éviter le contentieux. Il existe deux types d’irrégularité, celles qui
sont susceptibles d’entraîner l’annulation de la décision administrative
adoptée après une enquête publique (les irrégularités substantielles) et celles
qui ne l’entraînent pas (les irrégularités non substantielles).
Les irrégularités non substantielles se concentrent essentiellement
autour de la publicité de l’avis d’enquête publique :
-
Le simple fait que, dans le cas d’une installation
classée pour la protection de l’environnement, l’affichage de cet avis n’ait
pas été effectué sur les lieux mêmes de l’installation projetée ne constitue
pas une irrégularité substantielle de nature à entraîner l’annulation de la
décision : CAA
Bordeaux, 8 septembre 2008, EARL Groussin, n° 06BX01509
-
L’omission du nom et de l’adresse du
commissaire-enquêteur dans l’avis d’enquête publique : TA Montpellier, 4 octobre 1996,
Planchon et a. c/ Commune de Tourbes, Jurisdata n° 1996-000157
-
La publication de l’avis moins de 8 jours avant
l’enquête (au lieu de 15) à condition que cela n’ait pas eu pour effet de
réduire le nombre de personnes susceptibles de participer à l’enquête : CE, 11 octobre 1989, Association
de sauvegarde de Machemont, n° 44681.
Les irrégularités substantielles :
-
L’omission de l’information de l’ouverture de
l’enquête à plusieurs maires concernés par le projet : TA Nice, 10 mai 1989, Bricaud,
n° 474/89/11
-
Le rayon d’affichage des avis d’enquête doit être
mesuré en fonction du champ géographique des nuisances que le projet est
susceptible de générer : TA Toulouse, 22 novembre 2001, Commune de Catus, nos 98/1919 et 98/1521
-
Pour un PPR ou un document intercommunal, les dossiers
déposés dans les communes concernées doivent comporter l’ensemble des documents
graphiques du projet et pas seulement les plans concernant la commune
elle-même : CE, 22
juin 2001, Association des professionnels de la zone portuaire, n° 214421
-
Si l’illisibilité des cartes produites dans le dossier
d’enquête a empêché la compréhension par le public des documents soumis à
l’enquête : TA
Poitiers, 11 janvier 2007, Commune de Saint-Loup-Lamairé et a., n° 0502808
-
Le défaut d’impartialité du
commissaire-enquêteur : TA
Lyon, 4 juillet 1996, Roche, n° 90002198 et CAA Nancy, 1er mars 2004, Société
CEDILOR, n° 99NC00932
-
L’absence des contre-propositions produites pendant
l’enquête par le public ainsi que des réponses éventuelles du maître
d’ouvrage : CE, 26
mai 1995, Comité anti-pollution Vivre en Maurienne et FRAPNA, n° 144478
et 149950 ; TA Fort-de-France, 28 septembre 2006, Assaupamar, n°
06101
-
Le manque de motivation de l’avis du commissaire
enquêteur : CE, 10
novembre 1990, Ministre délégué chargé de l’Environnement et Syndicat d’épuration de Thonon-les-Bains,
n° 94523 et 94919 ;
-
le commissaire-enquêteur doit indiquer, en donnant son
avis personnel, les raisons qui déterminent le sens de son avis au regard des
objectifs de protection de l’environnement de la législation applicable au
projet : CAA Lyon, 25
mars 2008, Société Papeterie Voiron, n° 06LY01688.
-
Si le commissaire-enquêteur émet un avis défavorable
ou un avis comportant des réserves non levées par la décision administrative,
l’urgence n’a pas besoin d’être démontré dans le cadre du référé suspension. Le
juge prononcera la suspension de la décision à la seule condition que le
requérant présente un argument propre à créer, en l’état de l’instruction, un
doute sérieux quant à la légalité de la décision administrative (art. L. 123-12
du Code de l’environnement).
ATTENTION : La
procédure d’enquête publique n’est pas un acte autonome, c’est un acte
préparatoire à une décision. L’enquête
publique n’est pas directement attaquable. Ainsi, par exemple, un arrêté
d’ouverture d’une enquête publique est insusceptible d’être déféré
immédiatement au juge administratif, même en cas d’omissions évidentes.
Concrètement, c’est à l’occasion d’un recours contre l’acte terminal adopté à
l’issue de l’enquête – la délibération d’approbation du document d’urbanisme,
par exemple – que la phase d’enquête publique pourra être utilement
critiquée, sous tous ses aspects. |