Dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces protégées
(dernière mise à jour le 11/02/2025)
Présentation de la situation
Le Conseil d’Etat, par un arrêt du 29 janvier 2025, a ouvert la voie à une nouvelle dérogation à l’interdiction de destruction d’espèces protégées, considérant que la construction de logements sociaux pour la commune pouvait constituer une raison impérieuse d’intérêt public majeur.
Que dit l’arrêt ?
Le Code de l’environnement contient une section réservée à la conservation des sites géologiques et des habitats naturels des espèces animales et végétales présentant un intérêt spécifique particulier. L’article L.411-1 du même code liste plusieurs comportements interdits vis-à-vis de ces écosystèmes, comme la destruction des sites géologiques présentant ledit intérêt scientifique. Ces dispositions aménagent la relation entre aménagement du territoire et protection de l’environnement.
Pourtant, l’article L.411-2 du même
code permet de déroger à cette interdiction sous plusieurs motifs. L’un de ces
motifs n’est autre que « l’intérêt de la santé et de la sécurité
publique ou pour d’autres raisons impératives d’intérêt public majeur, y
compris de nature sociale ou économique ». Pourtant, la
jurisprudence s’est souvent montré stricte dans l’appréciation de ce qu’est une
raison impérative d’intérêt public majeur.
L’article L.411-2 du Code
de l’environnement, transposant l’article 16 de la directive du Conseil du 21
mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels, de la faune et de la
flore sauvages, précise le contexte de la dérogation : il ne doit pas exister d’autre solution satisfaisante et
cette dérogation ne doit pas nuire au maintien, dans un état de conservation
favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition
naturelle.
Par un arrêt en date du
24 juillet 2019, le Conseil d’Etat reprend ces critères de dérogation au
principe de la protection des espèces protégées et de leurs habitats. Ainsi,
l’autorité administrative établit que le projet d’aménagement ou de
construction doit justifier d’une raison impérative d’intérêt public majeur.
Si un intérêt public majeur est démontré et tout en tenant compte des mesures
de réduction et de compensations prévues, il ne doit pas exister d’autres
solutions satisfaisantes. Enfin, ce projet d’aménagement ou de construction
ne doit pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des
populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.
La notion d’intérêt public majeur est essentielle pour permettre de déroger au
principe de la protection des espèces protégées et de leur habitat.
Dans le récent arrêt du Conseil d’Etat du 29 janvier 2025, le Conseil d’Etat revient sur la décision des cours inférieurs d’annuler les arrêtés par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a autorisé des sociétés du bâtiment à déroger à l’interdiction de capture temporaire avec relâché et destruction des spécimens d’espèces protégées. En effet, ces sociétés avaient obtenu une dérogation pour la construction de logements locatifs sociaux.
En effet, le Conseil d’Etat
considère que la cour administrative d’appel de Nancy a inexactement qualifié
les faits de l’espèce. La construction de ces logements est destinée soit à
permettre à une population modeste d’accéder à la propriété, soit à assurer le
logement des populations les plus fragiles. De plus, il a été observé que la
commune concerné a un taux de logements sociaux structurellement inférieur à l’objectif
de 20%.
Ce sont pour ces raisons que le Conseil d’Etat permet cette dérogation, ce qui montre bien qu’il existe des dérogations, mais qui sont appréciés au cas par cas et avec des conditions précises.
Des cas de jurisprudence similaires sur l’aménagement urbain
Dans un arrêt de la Cour
administrative d’appel de Douai du 15 octobre 2015 Ministre de l’Écologie
contre Ecologie pour le Havre (N°14DA02064), sur l’aménagement urbain,
la réhabilitation de friches industrielles peut être qualifiée d’intérêt public
majeur dès lors qu’elle intervient dans le cadre d’un programme national de
mobilisation des terrains publics pour des opérations d’aménagement durable. Le
juge retient l’extension de l’activité économique et la création d’emplois.