L’annulation d’un événement en période de Covid-19
(dernière mise à jour le 09/02/2021)
Malheureusement, le
risque est inhérent à l’événement et il faut être prêt à prendre certains
risques dont notamment le risque d’annulation que ce soit pour des raisons
météorologiques, politiques, terroristes ou sanitaires. Chaque partie à l’événement doit être
consciente du risque.
Article 1112-1 du Code civil Celle des parties qui connaît une
information dont l'importance est déterminante pour le consentement de
l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore
cette information ou fait confiance à son cocontractant. Néanmoins, ce devoir
d'information ne porte pas sur l'estimation de la valeur de la prestation. Ont une importance déterminante
les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du
contrat ou la qualité des parties. Il incombe à celui qui prétend
qu'une information lui était due de prouver que l'autre partie la lui devait,
à charge pour cette autre partie de prouver qu'elle l'a fournie. Les parties ne peuvent ni
limiter, ni exclure ce devoir. Outre la responsabilité de celui
qui en était tenu, le manquement à ce devoir d'information peut entraîner
l'annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et
suivants. |
Article
1218 du Code civil «
Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant
au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la
conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des
mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur. Si
l’empêchement est temporaire, l’exécution de l’obligation est suspendue à
moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat.
Si l’empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les
parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux
articles 1351 et 1351-1. » |
Bien
souvent, la situation sanitaire de la pandémie du Covid19 laisse penser que le
cadre de la force majeure peut s’appliquer, et pour cause, le gouvernement
lui-même a reconnu que cette épidémie en avait le caractère, permettant une
adaptation des règles de marché public dès le mois de mars 2020, pour sécuriser
les contrats. Mais au vu de la durée de l’épidémie, on peut se demander
légitimement si le cas de force majeure peut toujours être retenu. Pour rappel,
le cas de force majeure est retenu lorsque l’événement est imprévisible et
inévitable : imprévisible car il ne pouvait être prévu lors de la
signature du contrat, et inévitable car les effets ne pouvaient être évités. La
force majeure doit forcément empêcher l’exécution de l’obligation par le débiteur.
On peut aisément classer l’annulation des concerts et des grands événements
dans cette case avec l’interdiction des grands rassemblements par les pouvoirs
publics.
Pourtant, on peut se poser la question si cette qualification peut durer, car dans le cas antérieur d’autres épidémies, le cas de force majeure avait été rejeté :
- pour le Chikungunya sur l’île de la Réunion ou sur l’île de Saint-Barthélemy (CA Basse-Terre, 1ère Ch., 29 mars 2016, n° 15/12113 ; CA Basse-Terre, 17 déc. 2018, n° 17/00739),
- l’épidémie de Dingue en Martinique (CA Nancy, 22 novembre 2010, n° 09/00003),
- l’épidémie de grippe H1N1 (CA Besançon, 8 janvier 2014, n° 12/0229)
- ou encore l’épidémie de grippe aviaire (CA Toulouse, 3 octobre 2019, n° 19/01579).
Le
cas de force majeure dans ces épidémies avait été rejeté soit parce que ces
épidémies étaient évitables, soit parce qu’elles n’étaient pas assez mortelles.
Pourtant, le cas de force majeure présente de nombreux avantages. Il permet en effet :
- D’activer la clause de force majeure du contrat, qui peut prévoir si elle existe du non remboursement d’une partie ou de la totalité du prix stipulé au contrat
- De s’exonérer de sa responsabilité contractuelle, par exemple en cas de préjudice invoqué par le client du fait du défaut d’exécution de la prestation.
Conformément
à l’article 1218 précité du code civil, la force majeure suspend l’exécution du
contrat.
L’exécution
du contrat n’est que suspendue, dans le cas où le report de l’événement est
possible. La procédure sera alors de fixer une nouvelle date dans un délai
raisonnable, de notifier le report au cocontractant et suspendre le contrat
jusqu’à la date prévue et conserver les versements.
C’est
seulement lorsque l’empêchement est définitif que le contrat est résolu de
plein droit, c’est-à-dire annulé avec effet rétroactif. La mise en œuvre du
stade 3 de lutte contre l’épidémie peut s’apparenter à un empêchement absolu.
En
l’absence de clause contractuelle particulière, les acomptes doivent être
remboursés lorsque la prestation n’est pas exécutée, et ce même en cas de force
majeure. Les seules exceptions sont l’exécution partielle de la prestation à
hauteur du montant de l’acompte et les conditions générales de vente du
prestataire prévoyant que l’acompte est acquis en cas de force majeure.
Néanmoins,
utiliser la force majeure dans le cadre de la crise sanitaire est compliqué car
seul le juge peut déterminer si les conditions de la force majeure sont réunies
et donc si l’inexécution contractuelle est ou non justifiée, c’est par
conséquent un pari risqué. Le contrat peut écarter la force majeure comme cause
d’inexécution. La prudence impose une analyse sérieuse de la situation avant
d’invoquer le cas de force majeure pour se délier de son obligation
contractuelle.
Au vu de la qualification fragile de force majeure, une négociation amiable peut être trouvée comme solution adaptée aux deux parties : report, remboursement partiel, avoir, etc.
§ L’imprévision
L’imprévision
est régie par l’article 1195 du Code
civil qui énonce :
«
Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du
contrat rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait
pas accepté d’en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation
du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations
durant la renégociation. En
cas de refus ou d’échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de
la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu’elles déterminent,
ou demander d’un commun accord au juge de procéder à son adaptation. A défaut
d’accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d’une partie,
réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu’il fixe. » |
Pour que l’imprévision puisse être invoquée, trois conditions sont exigées :
- Un changement de circonstances imprévisibles lors de la conclusion du contrat
- L’exécution doit devenir excessivement onéreuse pour une autre partie après la conclusion du contrat
- Cette partie doit ne pas avoir accepter d’en assumer le risque.
L’article
1195 du Code civil n’est donc pas impératif, il n’est pas d’ordre public :
elle peut être écartée par une clause contractuelle.
Il
ressort de la lettre de cet article qu’il autorise simplement une partie à
assumer le risque du changement de circonstances imprévisibles.
L’engagement
d’assumer le risque doit être déterminé et déterminable. Toute renonciation
anticipée au bénéfice de l’article 1195 du Code civil, sans détermination
possible des circonstances exclues par les parties, serait donc susceptible
d’être remise en cause judiciairement.
Ainsi,
un chef d’entreprise, à qui on opposerait une telle clause de renonciation,
pourra contester ses effets devant le juge et revendiquer le bénéfice de
l’article 1195.
L’imprévision peut entraîner plusieurs conséquences :
- la demande de renégociation de la part de la partie pour laquelle l’exécution du contrat est devenue excessivement onéreuse. Les obligations se poursuivent pendant la phase de renégociation. A terme, les parties peuvent décider la modification ou la fin du contrat.
- Si les parties ne parviennent pas à se mettre d’accord pour renégocier ou mettre fin au contrat, elles peuvent demande d’un commun accord au juge de procéder à son adaptation.(procédure grâcieuse)
- Si les parties n’arrivent pas à se mettre d’accord dans un délai raisonnable pour demander au juge de céder à son adaptation, alors l’une d’elles peut lui demander de réviser le contrat ou d’y mettre fin (procédure contentieuse)
Article
1220 du Code civil «
Une partie peut suspendre l’exécution de son obligation dès lors qu’il est
manifeste que son cocontractant ne s’exécutera pas à l’échéance et que les
conséquences de cette inexécution sont suffisamment graves pour elle. Cette
suspension doit être notifiée dans les meilleurs délais. » |
Cet
article trouvera certainement application dans des circonstances nées du Covid
19 en permettant de prévenir une défaillance future du cocontractant.
Mais
la situation sanitaire a permis la suspension de certaines clauses
contractuelles, en application de l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars
2020 : les clauses visant à sanctionner le défaut d’exécution de son
obligation par le débiteur sont suspendus. Cette ordonnance s’est appliquée
jusqu’au 23 juillet 20202 inclus.
En
conclusion de ce qui précède, il importe pour le chef d’entreprise d’apprécier
de bonne foi l’impact réel de la pandémie sur son impossibilité d’exécuter sous
peine d’être ultérieurement condamné à réparer le préjudice subi par son
cocontractant. L’obligation de bonne foi est rappelée par l’article 1104 du
Code Civil :
«
Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d’ordre public.
» |
§ L’incorporation de clauses d’annulation
Tous les dispositifs dans le droit des contrats ne sont pas d’ordre public. Sont d’ordre public, et donc ne peuvent être exclus par une clause contractuelle, les dispositifs suivants :
- L’obligation de bonne foi (art 1104 du Code Civil)
- L’obligation d’information précontractuelle (art 1112-1 du code civil)
- La fourniture de l’obligation essentielle prévue au contrat (art 1170 du code civil)
- Le déséquilibre significatif dans un contrat d’adhésion (art 1171 du code civil)
- L’appréciation par le juge du montant de la clause pénale (art 1231-5 du code civil)
Les autres clauses
ne sont pas d’ordre public, elles peuvent donc être écartées. Mais si on ne les
écarte pas, alors elles s’appliqueront d’office !
Une des solutions
peut aussi être de limiter sa responsabilité et la coupler avec une police
d’assurance annulation : on peut limiter par exemple à 50% le
remboursement et s’assurer à hauteur de 50%. Cette limitation est autorisée par
l’art 1231-3 du code civil, sous réserve d’exécuter son obligation essentielle
(art 1170 du code civil).
Un cas particulier peut se présenter : celui où le partenaire souhaite payer quand il reçoit la prestation et l’organisateur être payé d’avance. Pour concilier ces impératifs en cas d’annulation du contrat ou en cas de force majeure, il faut prévoir un tableau d’indemnisation chiffrée, par date d’annulation :
- En cas d’annulation fautive par l’organisateur à telle date, il doit telle somme
- En cas d’annulation fautive par le partenaire à telle date, il doit telle somme
- En cas d’annulation pour force majeure, pas de remboursement ou remboursement limité, en rapport avec la couverture d’assurance.
Contractualiser la force majeure
Art 1218 du code
civil « ll y a force
majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du
débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du
contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures
appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur. Si l’empêchement
est temporaire, l’exécution de l’obligation est suspendue à moins que le
retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l’empêchement
est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont
libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 1351
et 1351-1. » Art 1351 du code
civil « L’impossibilité
d’exécuter la prestation libère le débiteur à due concurrence lorsqu’elle
procède d’un cas de force majeure et qu’elle est définitive, à moins qu’il
n’ait convenu de s’en charger ou qu’il ait été préalablement mis en demeure. » |
L’article 1218 du
Code civil n’est pas d’ordre public, on peut donc y déroger par une clause
contractuelle.
Pour rappel, la
force majeure se caractérise par l’imprévisibilité et l’irrésistibilité. De ce
fait, l’organisateur est exonéré de sa responsabilité en cas de force majeure
sauf s’il a contractuellement prévu de prendre les conséquences à sa charge. En
cas d’annulation pure et simple, le contrat est résolu : chaque partie se
retrouve théoriquement dans l’état dans lequel elle se trouvait avant la
conclusion du contrat : l’organisateur n’a plus à mettre en place
l’évènement, et le client peut demander la restitution des acomptes versés.
L’imprévisibilité
s’apprécie au jour de la signature du contrat.
L’irrésistibilité
s’apprécie au cas par cas notamment au regard du lien entre la force majeure et
la prestation promise.
Comment
contractualiser ?
Il est possible,
pour se protéger, de prévoir des clauses excluant la force majeure ou au
contraire ajoutant des cas de force majeure. Pour ajouter un cas de force
majeure, il faut néanmoins toujours respecter les critères d’imprévisibilité et
d’irrésistibilité.
Ajouter des cas de
force majeure à la liste habituellement retenue (guerre, cataclysme naturel ou
troubles sociaux), tels que la panne informatique par exemple (C. cassation 17
Février 2010), ou l’interdiction administrative de la manifestation. Il faut
cependant que les situations visées respectent les critères d’imprévisibilité
et d’irrésistibilité.
Si le contrat est à
« exécution successive », c’est-à-dire qu’il s’exécute sur une longue durée
avec l’octroi de prestations d’image, d’utilisation du logo, de relations
publiques avant l’événement, le partenaire aura bénéficié une contrepartie
avant l’annulation.
Chaque partie peut
conserver les frais engagés à la date de l’annulation et aucun remboursement ne
sera effectué.
En cas d’inexécution, il peut y avoir plusieurs conséquences :
- La suspension/report de l’événement :
Les frais de sauvegarde de l’événement en cas de suspension restent à la charge de celui qui les engage ou peuvent être partagés par les parties.
- La caducité des contrats interdépendants
- L’inexécution contractuelle partielle et réduction de prix
Il est possible de demander une réduction du prix en cas d’exécution imparfaite de la prestation (article 1223 du Code civil). Cette notion peut faire l’objet d’une clause contractuelle.
- La clause pénale
Le contrat peut prévoir une somme à titre de dommages et intérêts en cas d’inexécution (article 1231-5 du Code civil)
- La clause d’imprévision
Cette clause ne porte que sur l’aspect financier, elle permet d’obtenir une
révision de prix en cas d’augmentation excessive du coût de l’événement. Il
faut donc prévoir des critères financiers de déclenchement du mécanisme de
renégociation prévu par le texte, avec possibilité d’intervention du juge ou/et
de résolution du contrat en cas de désaccord (article 1195 du Code civil)
Ce texte n’est pas d’ordre public et on peut y renoncer ou l’aménager
contractuellement.