L’encadrement juridique du ski de randonnée
(dernière mise à jour le 14/12/2022)
Présentation de la situation
Le développement récent du ski de randonnée représente un renouveau de l’activité sportive de montagne. De plus en plus de pratiquants recherchent un cadre sécurisé et organisé pour cette activité, entraînant des aménagements et des balisages. La multiplication des pratiquants hors station conduit de plus à la formation de stations de fait. Ce phénomène appelle à revoir l’encadrement juridique de cette activité.
On assiste à un étalement des pratiquants dans l’espace
naturel, espace à la fois sensible et à risque, relativisant la frontière entre
les lieux traditionnels dits formels de pratiques, les stations, et les lieux
informels de pratique.
Le ski de randonnée présente de nombreux avantages :
- Il peut se pratiquer partout ou presque : pistes de ski alpin, bords de piste, entre-piste, hors-piste de proximité ou site vierge
- Le manque de neige est moins un problème pour le ski de randonnée que pour le ski alpin
-
C’est une activité qui favorise les interconnexions entre les stations.
La Convention
alpine relative à l’interprétation de l’article 6(3) du Protocole tourisme de
2017 indique que le ski de randonnée fait partie des pratiques de tourisme dit
extensif, tant qu’il est exercé conformément aux normes
en matière de protection de la nature, c’est-à-dire un tourisme plus doux, plus
protecteur et respectueux de la nature. Mais le développement de la pratique
dans les espaces naturels installe une porosité entre tourisme extensif et
tourisme intensif.
La pratique du ski
de randonnée va notamment repousser la frontière du domaine skiable, ce qui
implique d’organiser la pratique avec le concours des pouvoirs publics sans
quoi ceux-ci pourraient engager leur responsabilité.
Les enjeux juridiques
Les questions de sécurité, d’organisation des pratiques, de secours et de droit pénal
La massification des skieurs de randonnée oblige la prévention et la réglementation. Une grande partie des accidents en ski de randonnée sont dus à une méconnaissance de la montagne. Mais avec la multiplication des pratiquants dans ce domaine, il est de la responsabilité du maire de prendre un arrêté municipal concernant la pratique du ski de randonnée. L’arrêté municipal vient clairement définir ce qu’est une piste de ski dans la station et quelle pratique y est interdite ou non. Il est ainsi possible d’interdire la pratique du ski de randonnée sur le domaine skiable. Le service des pistes, comme bras droit du maire en termes de police et de sécurité, doit veiller à faire respecter l’arête municipal relatif à la sécurité sur le domaine skiable.
Le premier levier est donc la prévention avec le balisage notamment et les panneaux d’information délimitant les zones où la pratique de cette activité est interdite par exemple. Cela évite notamment les accidents graves liés aux dameuses à treuil.
- Dans les espaces vierges, c’est essentiellement la responsabilité des pratiquants voire des accompagnateurs ou guides professionnels. Le risque pénal est d’ailleurs très fort dans cette situation car le risque d’accident est important.
- En station, où la responsabilité est celle du maire qui a une obligation de sécurité de moyens.
Pour écarter tout
risque pénal, il n’y a donc qu’une solution : faire respecter l’arrêté
municipal de sécurité, par exemple dans le cas où la remontée sur piste est
interdite. C’est
pour cela que le point majeur dans l’encadrement de l’activité de ski de
randonnée est l’arrêté municipal de sécurité pris par le maire !
En droit pénal, seule une faute caractérisée est de nature à
engager la responsabilité pénale du maire, comme auteur indirect. Le raisonnement sera le même s’agissant des directeurs de stations, des
responsables de secteurs de piste. En revanche, l’auteur direct peut être le
skieur qui ne maîtrise pas sa vitesse et qui entre en collision avec un tiers.
Le balisage des parcours de ski de randonnée peut se
développer hors du domaine skiable classique : les acteurs de la station
peuvent inviter davantage les pratiquants à aller à tel ou tel endroit en leur
proposant et indiquant sommairement le parcours à suivre. Dès lors que la station propose un parcours et les identifie ou en fait
la promotion, cela entraîne un transfert de responsabilité : on aura les
mêmes enjeux de responsabilité que dans le cas du ski sur piste.
Ce genre de
parcours doit obligatoirement conduire à la signature d’une convention entre le service public de
secours et le service des pistes. Même en étant à l’intérieur du domaine
skiable, il y a des endroits où on ne peut pas aller, on n’a pas les moyens d’intervenir
et là il faudra alors une convention avec les services publics compétents. La
circulaire Kihl qui régit le secours en montagne précise bien dans son
préambule que le domaine skiable n’entre pas dans le champ du secours en montagne
a priori, mais que les moyens du secours en montagne peuvent y intervenir en subsidiarité
des moyens du maire. De la même façon, le préfet peut se substituer au maire
quand la commune est dépassée par les moyens qui sont requis pour l’intervention.
Du point de vue de l’organisation des secours et du droit
pénal, le développement du ski de randonnée ne pose pas de problèmes juridiques
majeurs parce qu’on appliquera des solutions, somme toutes classiques en droit.
Les questions de police et de responsabilité administratives générales
La responsabilité administrative repose sur l’article L.2212 du Code général des collectivités territoriales : cet article impose au maire une obligation de préserver l’ordre public sur l’ensemble du territoire communal. Il s’agit d’une mission de police administrative générale qui l’oblige à assurer la sécurité, la tranquillité, la salubrité publique.
C’est en vertu de cette mission que le maire
réglemente l’activité de ski de randonnée.
Les mesures de restrictions prises par le maire peuvent prendre en compte les conditions nivologiques ou météorologiques. Il peut également s’agir de prescriptions de travaux de nature à éliminer le danger comme es travaux d’équipements ou de protection.
L’obligation municipale d’intervenir concerne aussi tous les autres espaces communaux, y compris les espaces naturels, non artificialisés, de la commune. Les obligations du maire vont varier énormément selon que l’espace est aménagé ou pas :
- Pour les espaces aménagés : sont concernés en premier chef les espaces du domaine skiable. Le maire doit prendre des mesures pour éviter la réalisation des dangers imprévisibles pour le pratiquant.
Par exemple, une plaque de verglas est imprévisible.
- Pour les espaces naturels : le maire doit prévenir les dangers considérés comme exceptionnels. Ce qui est imprévisible n’est pas toujours exceptionnel. La responsabilité de la commune sera beaucoup plus difficilement engagée.
Par exemple une chute de pierre est imprévisible mais pas exceptionnelle.
La question prioritaire est donc l’appartenance ou non des itinéraires de
ski de randonnée à la catégorie des espaces aménagés communaux. La responsabilité des communes sera en effet plus facilement engagée
lorsque l’accident est survenu dans un espace aménagé. Il faut donc se demander
si l’itinéraire de ski de randonnée développé par la commune – au travers du
balisage, du damage ou de l’implantation d’équipements - relève ou non des
espaces aménagés.
Le balisage du parcours ne suffit pas pour la qualification d’espace aménagé. C’est la sécurisation du parcours qui entraîne la qualification en espace aménagé.
Concernant la proximité entre les itinéraires de ski de randonnée et le domaine skiable traditionnel, le skieur doit disposer des informations nécessaires lui permettant d’établir qu’il n’est plus sur une piste de ski classique.
Sur la réglementation de l’accès aux espaces naturels, la commune doit d’abord établir l’existence d’un risque pour la sécurité publique.
La légalité de ces mesures de police est aussi
soumise à l’établissement de leur nécessité.
Enfin, il faut que ces mesures ne soient pas une
atteinte disproportionnée aux libertés publiques comme la liberté d’aller et
venir.
Les mesures pouvant être prises peuvent à la fois prendre la forme d’interdictions radicales de l’activité tout comme un encadrement de l’accès à certains sites de ski de randonnée en onction de l’intensité de la fréquentation. Ce genre d’exigences liées à l’alpinisme estival peut tout à fait être transposé au ski de randonnée.
Les questions de polices administratives spéciales : urbanisme et environnement
La notion de ski de randonnée n’apparaît ni dans le code de l’urbanisme ni dans le code de l’environnement ou du tourisme.
S’agissant du rapport entre le ski de randonnée et les projets d’aménagement
classiques (pistes, remontées…), le droit appliqué sera celui de la loi
Montagne et du droit commun de l’urbanisme.
Pour aménager une piste, la modeler, il faudra
donc demander une autorisation d’aménagement des pistes. Dans d’autres cas il
faudra un permis d’aménager ou de construire, délivré en respect des principes
d’urbanisation de la loi Montagne.
L’organisation de l’activité de ski de randonnée
pourrait répondre à la définition de l’Unité touristique nouvelle.
Le ski de randonnée peut amener à prévoir des servitudes de passage sur les propriétés privées, même si le code ne le prévoit que pour le ski alpin.
Bien que les stations peuvent réguler cette activité quand elle se pratique sur le domaine skiable, il n’y a aucune contrainte juridique comparable hors station. Ainsi, en station, pour aménager une piste, une procédure d’évaluation environnementale doit être mise en place, ce n’est pas le cas hors station.
Lors de la traversée d’une réserve naturelle, les autorités compétentes notamment préfectorales peuvent élaborer une réglementation qui peut aller jusqu’à éloigner ou interdire le passage dans ce site précis.