Le risque d'exploitation
(dernière mise à jour le 05/11/2020)
La notion de risque lié à
l’exploitation a été consacrée par la transposition de la directive 2014/23/UE relative à
l’attribution des contrats de concession, dite directive Concessions. Cette notion de risque lié à l’exploitation
est devenu l’élément central de la définition de ce type de contrat.
La notion de
risque
Le risque lié à l’exploitation
est un risque d’exposition aux aléas du marché :
« Un risque d’exploitation devrait
trouver son origine dans des facteurs
sur lesquels les parties n’ont aucun contrôle. Les risques liés à une
mauvaise gestion, à un manquement de l’opérateur économique aux obligations
contractuelles ou à des cas de force majeure ne sont pas déterminants aux fins
de la qualification en tant que concession, ces risques étant inhérents à tous
les contrats, qu’il s’agisse d’un marché public ou d’une concession. Un risque d’exploitation devrait être
considéré comme étant le risque d’exposition aux aléas du marché, qui peut
être soit un risque lié à la demande,
soit un risque lié à l’offre, soit
un risque lié à la demande et à l’offre.
Le risque lié à la demande désigne le risque portant sur la demande effective
pour les travaux ou services qui font l’objet du contrat. Le risque lié à
l’offre désigne le risque portant sur la fourniture des travaux ou services qui
font l’objet du contrat, en particulier le risque que la fourniture des
services ne corresponde pas à la demande. Aux fins de l’évaluation du risque
d’exploitation, la valeur actuelle nette de tous les investissements, coûts et
recettes du concessionnaire devrait être prise en compte de manière homogène et
uniforme. » (Considérant
20, Directive Concessions)
L’article L.1121-1, alinéa 1 du Code de la Commande
publique transfère le risque d’exploitation de l’autorité concédante
vers le concessionnaire. Il faut néanmoins que l’exposition aux aléas du marché
soit réelle et non négligeable. Ce risque d’exploitation est considéré assumé
quand le concessionnaire n’est pas assuré d’amortir les investissements ou les
coûts liés à l’exploitation de l’ouvrage ou du service qu’il a supportés (CCP, article L.1121-1 al. 2).
Ce transfert du risque
s’accompagné d’une contrepartie sans laquelle le concessionnaire n’aurait aucun
intérêt à postuler à l’attribution du contrat de concession (CCP, art. L.1121-1 al. 1).
Le droit d’exploiter constitue l’expression du risque d’exploitation. Ce droit
d’exploiter permet au concessionnaire de se rémunérer directement auprès de
l’usager du service ou de l’ouvrage considéré.
En transférant le risque
d’exploitation, l’autorité concédante transfère également la
« propriété » des bénéfices ou des pertes futurs qui s’y affèrent.
L’exorbitance du droit public vient pourtant contrarier ce schéma, soit par une
translation des bénéfices du concessionnaire, pour autant que la chance lui
sourie, vers le patrimoine de l’autorité concédante (CE, 18 octobre 2018, n°420097 Electricité de
Tahiti) soit une limitation de ce bénéfice dans une proportion décidée
par le juge (CE, 29 juin
2018, n°402251, Ministre de l’Intérieur c/ Communauté de communes de la vallée
de l’Ubaye) ou l’autorité concédante (CE, 27 janvier 2020, n°422104, Toulouse Métropole).
Privation du
concessionnaire de ses gains de productivité
Les règles communes applicables
aux biens de retour sont celles qui avaient été dégages par le Conseil d’Etat
dans son arrêt du 21 décembre 2012, n°342788, Commune de Douai, notamment
« que les sommes requises pour
l’exécution des travaux de renouvellement des biens nécessaires au
fonctionnement du service public qui ont seulement donné lieu, à la date
d’expiration du contrat, à des provisions, font également retour à la personne
publique. Il en va de même des sommes qui auraient fait l’objet de provisions
en vue de l’exécution des travaux de renouvellement pour des montants excédant
ce que ceux-ci exigeaient, l’équilibre économique du contrat ne justifiant pas
leur conservation par le concessionnaire ». Ces règles feraient partie
des principes des concessions de service public et de l’équilibre économique de
ces contrats.
C’est d’ailleurs cette règle qui a été appliquée dans la décision EDT
Engie.
En général, les obligations de renouvellement à la
charge du concessionnaire sont soit de
nature patrimoniale soit de nature fonctionnelle. L’engagement du
concessionnaire consiste à seulement réaliser les travaux, à l’exclusion de
tout engagement de dépenses. Il est à ses risques et périls, sa performance
dépendant alors de sa politique « achats », de la volatilité
favorable des prix de ses fournisseurs ou encore l’occurrence faible des casses
sur le réseau.
La décision EDT Engie pourrait, au nom des principes applicables aux
biens de retour, impliquer le versement en fin de contrat à l’autorité concédante
des sommes correspondant aux dépenses de renouvellement qu’un risque peu
occurrent aura permis au concessionnaire de ne pas exposer.
Retour des biens
apportés sans indemnité en cas de performance suffisante
A l’occasion de la décision Ministre de l’intérieur
c/ Communauté de communes de la vallée de l’Ubaye du 29 juin 2018, le
Conseil d’Etat juge que constituent des
biens de retour les biens s’ils remplissent trois conditions :
-
Être
propriété du concessionnaire
-
Être
affectés par ce dernier au fonctionnement du service public concerné
-
Être
nécessaire au fonctionnement du service public concerné.
Ces biens sont alors qualifiés de « biens apportés » par le
juge. Leur mise à disposition emporte le transfert dans le patrimoine de la
personne publique, et vaut donc expropriation du concessionnaire. L’indemnité
n’est envisageable que dans le cas où l’équilibre économique du contrat ne peut
être regardé comme permettant une prise en compte de l’apport du bien par les
résultats de l’exploitation.
L’apport du bien peut et doit être intégré à l’équilibre de la
concession, soit ex ante, soit à posteriori (si le contrat se révèle
déséquilibré). A défaut le retour du bien apporté s’accompagnerait d’un
enrichissement sans cause de l’autorité concédante. Les règles indemnitaires
relatives aux biens de retour visent à éviter un tel enrichissement. En
conclusion, le remboursement du concessionnaire de l’ensemble des
investissements affectés à la concession transférés au concédant à la fin du
contrat doit être assuré.
La décision Vallée
de l’Ubaye intègre la performance de l’exploitation au régime
indemnitaire des biens de retour particuliers que sont les biens apportés.
Pourtant, dans la décision
CE 4 mai 2015, n°383208, Société Domaine Porte des neiges, le Conseil d’Etat
a exclu la prise en compte du déficit structurel d’exploitation pour le droit à
indemnisation de la valeur non amortie des biens de retour. Décision qui a été
rappelée en janvier 2020 par la décision Toulouse Métropole.
Dans la décision Vallée de l’Ubaye, le Conseil
d’Etat considère que la performance économique du contrat vient diminuer
l’indemnité due au concessionnaire au titre du « retour » de ce bien
dans le patrimoine de l’autorité concédante. Or, plus le rendement est fort,
plus la valeur économique du bien augmente, et avec elle le préjudice résultat
de l’expropriation ou encore l’enrichissement sans cause de l’autorité
concédante.
Résiliation sans
indemnité d’un contrat regardé comme suffisamment bénéficiaire
D’après l’article R.3114-2 du CCP,
« pour les contrats de concession
d’une durée supérieure à cinq ans, la durée du contrat ne doit pas excéder le
temps raisonnablement escompté par le concessionnaire pour qu’il amortisse les
investissements réalisés pour l’exploitation des ouvrages ou services avec un
retour sur les capitaux investis, compte tenu des investissements nécessaires à
l’exécution du contrat ».
Le Conseil d’Etat complète cet
article en précisant dans sa décision
du 7 mai 2013, n°365043, Société auxiliaire de parcs de la région parisienne,
qu’une autorité concédante peut résilier un contrat au motif d’intérêt général
que la durée du contrat serait excessive.
Le contrat doit être regardé
comme caduc pour la partie « excessive » de sa durée. Une durée
pourrait alors devenir excessive dans le cas où le contrat superformerait
économiquement. Il existerait ainsi une rentabilité économique maximale au-delà
de laquelle la durée est excessive.
Dans la décision Toulouse Métropole, il est jugé
que « le montant de l’indemnisation
du concessionnaire au titre du retour gratuit anticipé des biens nécessaires au
fonctionnement du service public dans le patrimoine de l’autorité concédante en
l’absence de stipulations contraires du contrat » n’est pas
diminué en raison « de ce que ces
biens auraient été économiquement amortis avant la résiliation du contrat grâce
aux résultats de l’exploitation de la concession ». Cette décision ne
vient donc pas punir la surperformance économique par un amortissement anticipé
qui justifierait alors une réduction de la durée du contrat, dépendant ab
initio de la durée de l’amortissement.
De ces décisions deux observations :
- Le risque de pertes du concessionnaire ne doit pas devenir une certitude de déficit, il faut alors éviter la privation des bénéfices qu’entraînerait une diminution de l’indemnité ou une réduction de la durée du contrat en cas de surperformance économique.
- Limiter les effets du transfert du risque d’exploitation reviendrait à décaractériser les contrats de concession par rapport aux marchés publics.