La protection fonctionnelle des élus
(dernière mise à jour le 20/07/2020)
Présentation de la situation
La protection fonctionnelle est un dispositif
conçu à l’origine pour protéger les agents publics des violences ou atteintes
subies du fait ou à l’occasion de leur fonction. De par leur statut d’agent
public, ils bénéficient en effet d’une aide, notamment juridique mais cette
assistance peut aussi être psychologique, dans les cas où le dommage, l’outrage
ou leur mise en cause est une cause directe de leur fonction.
On la trouve une première fois étendu aux élus
par le biais de la loi °96-393 du 13 mai 1996 relative à la responsabilité
pénale pour des faits d’imprudence ou de négligence.
La loi n°2002-276 du 27 février 2002 relative à
la démocratie de proximité a définitivement étendu ce dispositif aux élus, en
introduisant dans le CGCT l’article L.2123-35 fournissant cette même protection
fonctionnelle (protection du fait de la fonction) aux maires ou élus le
suppléant ou ayant reçu une délégation.
La loi Engagement et proximité n°2019-1461 du 27 décembre 2019, en son article 30, vient renforcer ce dispositif de protection fonctionnelle des élus.
Législation actuelle
Article L2123-34 du
CGCT La commune est tenue d'accorder sa protection au maire, à
l'élu municipal le suppléant ou ayant reçu une délégation ou à l'un de ces élus
ayant cessé ses fonctions lorsque celui-ci fait l'objet de poursuites pénales à
l'occasion de faits qui n'ont pas le caractère de faute détachable de
l'exercice de ses fonctions. La commune est
tenue de souscrire, dans un contrat d'assurance, une garantie visant à couvrir
le conseil juridique, l'assistance psychologique et les coûts qui résultent de
l'obligation de protection à l'égard du maire et des élus mentionnés au
deuxième alinéa du présent article. Dans les communes de moins de 3 500
habitants, le montant payé par la commune au titre de cette souscription fait
l'objet d'une compensation par l'Etat en fonction d'un barème fixé par décret. Lorsque le maire ou un élu municipal le suppléant ou ayant reçu une délégation agit en qualité d'agent de l'Etat, il bénéficie, de la part de l'Etat, de la protection prévue par l'article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. Article L2123-35 du CGCT La commune est tenue de souscrire, dans un contrat d'assurance, une garantie visant à couvrir le conseil juridique, l'assistance psychologique et les coûts qui résultent de l'obligation de protection à l'égard du maire et des élus mentionnés au deuxième alinéa du présent article. Dans les communes de moins de 3 500 habitants, le montant payé par la commune au titre de cette souscription fait l'objet d'une compensation par l'Etat en fonction d'un barème fixé par décret. |
Ainsi que le précise cet article, la protection
fonctionnelle est assurée par la commune, afin de protéger le maire, ou les
élus municipaux le suppléant ou ayant reçu délégation, et ce contre les violences, menaces ou outrages
dont ils pourraient être victimes à l’occasion ou du fait de leurs fonctions. Cela
concerne aussi les diffamations et injures. Cette protection fonctionnelle
ne s’applique pas qu’aux maires mais aussi à leurs conjoints, enfants et
ascendants directs, s’ils sont également victime d’atteinte du fait de la
fonction de maire de leur proche.
La protection est dite fonctionnelle car elle
dépend de la fonction, ne bénéficiant en effet qu’au maire, ou un élu municipal
le suppléant ou ayant reçu délégation. Il est utile de préciser que la
protection fonctionnelle dépend en réalité de la seule fonction exécutive de l’élu,
ne bénéficiant à première vue qu'au maire, ce que la récente jurisprudence a
pu confirmer : CAA de
Nancy, 12 décembre 2019, Association Anticor.
L’arrêt vient confirmer que le choix du
législateur a été de n’étendre la protection fonctionnelle qu’aux élus qui
participent à la fonction exécutive au sein des collectivités territoriales, à
l’exclusion de tous les autres, que ces élus appartiennent ou non à la majorité
municipale.
Le risque plus élevé de responsabilité et d’agression des maires rend ce dispositif d’autant plus actuel, à une époque où le sentiment d’insécurité chez les maires est croissant à en croire l’étude « Le risque des élus et le bilan du mandat actuel ».
Il ne faut pas oublier que la protection fonctionnelle ne s’applique que pour les actes commis dans l’exercice des fonctions du maire ou de l’élu suppléant. Ainsi, si la faute est personnelle et sort du cadre des fonctions de l’élu, la protection fonctionnelle ne peut plus s’appliquer. C’est la seule limite de ce dispositif : la qualification de la faute. La jurisprudence du 12 décembre 2019 affirme cette limite : « Présentent le caractère d’une faute personnelle détachable des fonctions de maire des faits qui révèlent des préoccupations d’ordre privé, qui procèdent d’un comportement incompatible avec les obligations qui s’imposent dans l’exercice de fonctions publiques ou qui, eu égard à leur nature et aux conditions dans lesquelles ils ont été commis, revêtent une particulière gravité. En revanche ni la qualification retenue par le juge pénal ni le caractère intentionnel des faits retenus contre l’intéressé ne suffisent par eux-mêmes à regarder une faute comme étant détachable des fonctions, et justifiant dès lors que le bénéfice du droit à la protection fonctionnelle soit refusé au maire qui en fait la demande. »
La
protection reste due après la cessation du mandat, dès lors que les attaques
ont trait à des faits commis ou des propos tenus au cours du mandat.
Jurisprudence
CE, 5 mai 1971, Gillet, n°79494 :
Principe général du droit de protection des agents publics : « lorsqu’un agent public a été poursuivi par
un tiers pour une faute de service, la collectivité publique doit, dans la
mesure où une faute personnelle détachable de l’exercice de ses fonctions n’est
pas imputable à cet agent, le couvrir des condamnations civiles prononcées
contre lui ».
Cass. crim. 10 mai 2005, n° 04-84633 :
La collectivité a un devoir de protection envers ses agents s’ils sont
menacés ou outragés dans l’exercice de leurs fonctions.
CE, 20 avril 2011, Bertrand, n° 332255 :
Le fonctionnaire ne peut se voir
refuser la protection de l’administration pour motif d’intérêt général.
CE, sect., 8 juin 2011, Farré, n°312700 :
La protection fonctionnelle peut s’appliquer à un président élu d’un établissement
public administratif.
CAA Versailles, 20 décembre 2012, n° 11VE02556 :
La Cour décide d’appliquer l’article L.2123-34 du CGCT : l’organe
délibérant est exclusivement compétent pour octroyer la protection fonctionnelle.
CAA Marseille, 6 décembre 2013, n°12MA00390 :
La protection fonctionnelle s’applique
si le maire est victime d’injures et de diffamation.
CAA Bordeaux, 6 mai 2014, n° 12BX03112 :
La protection fonctionnelle n’a pas pour but de mettre à la charge de la
collectivité la poursuite dans les prétoires des débats politiques.
CAA de Nancy, 12 décembre 2019, Association Anticor,
n°18NC02134 :
La protection fonctionnelle a été accordée au maire de la commune et
refusée à un conseiller municipal de l’opposition par une délibération
municipale du 25 septembre 2017. Le Tribunal administratif de Strasbourg, dans
une décision du 30 mai 2018, a rejeté les demandes d’annulation de cette
délibération. L’arrêt vient confirmer la condition de participation à la
fonction exécutive pour bénéficier de la protection fonctionnelle. En l’espèce,
le maire était mis en cause car accusé d’avoir tenu des propos diffamatoires à
l’encontre de l’opposition dans le journal municipal. La justice a considéré que
la mise en cause était en lien avec sa fonction.