Responsabilité des maires en cas d’accident
(dernière mise à jour le 26/02/2020)
Présentation de la situation
La montagne comporte comme n’importe quel milieu des risques pouvant amener l’usager à se blesser, que ce soit sur piste ou hors-piste. La question est alors de savoir sur qui repose la responsabilité lorsqu’il y a un accident de personne en montagne.
Législation actuelle
Le maire est investi d’un pouvoir de police municipale, avec pour objectif d’assurer la sûreté et la sécurité publique sur le territoire communal. Ce pouvoir de police municipale est impossible à déléguer ou à concéder, même au Président d’une EPCI. C’est un pouvoir de police propre au maire. La commune reste responsable des dommages qui résultent d’une action de la police municipale.
Le maire est le seul responsable de la sécurité sur son territoire.
- Art L2212-1 CGCT : « Le maire est chargé, sous le contrôle administratif du représentant de l’Etat dans le département, de la police municipale, de la police rurale et de l’exécution des actes de l’Etat qui y sont relatifs »
- Art L2212-2 5° CGCT : La police municipale a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques.
Comme dans tous les cas de responsabilité, celle-ci peut être exonérée en cas de force majeure, c’est-à-dire un fait imprévisible, irrésistible et extérieur. Néanmoins, il ne faut pas oublier que le périmètre de la force majeure tend à se rétrécir au fil de la jurisprudence. Devant ce rétrécissement, la responsabilité du maire est la plupart du temps due à une carence dans son maintien de la sûreté publique sur le territoire.
Responsabilité en cas de carence de l’obligation de prévention
- Les carences de signalisation et d’information : le maire a l’obligation de mettre en garde ses administrés des dangers particuliers auxquels ils sont exposés
Exception : Danger mineur n’emportant obligation de signalisation Faute de la victime
- L’absence ou l’insuffisance de travaux susceptibles de prévenir ou d’atténuer les effets d’un risque naturel majeur : le maire doit entreprendre des travaux pour protéger ses administrés (CAA Lyon, 30 mai 1995, ministère de l’Environnement, n°93LY01992)
Si les travaux se trouvent sur une propriété privée, le maire peut les prescrire au propriétaire (CAA Marseille, 9 février 2004, M. René X. n°00MA00511)
La collectivité peut aussi agir directement, à ses frais (CE, 14 mars 1986, commune de Val d’Isère, n°96272)
Cette obligation prend en compte la nécessité et utilité des travaux, mais aussi les capacités financières de la commune.
- L’absence ou l’insuffisance de mesures de contrôles : cette catégorie est majoritairement jurisprudentielle, à savoir que l’entretien des digues de protection sont concernés (TA, Marseille, 4 février. 2002, Union des Assurances de Paris et Société Splendid Garage, n°9702728 ; solution confirmée : CAA Marseille, 19 décembre 2005, commune de Pertuis, n°02MA00711 ; CE, 14 mai 2008, commune de Pertuis, n° 291440), alors que ne le sont pas la surveillance de la stabilité des sols (CAA Nantes, 9 juin 1993, Deshayes, n°91NT00680) ni la surveillance des crues (CE, 23 février 1973, Tomine, n°81302).
Responsabilité en cas de carence de l’obligation de sauvegarde
L’article L2212-4 du Code général des collectivités territoriales impose deux obligations au maire, en cas de danger grave ou imminent :
- Prescrire l’exécution des mesures de sûreté exigées par les circonstances
- Informer d’urgence le préfet
Pour juger de la responsabilité ou non du maire dans ce genre de situation, le juge est amené à opérer un double contrôle :
- Le danger est-il grave ou imminent ?
L’appréciation du juge est assez large à ce sujet.
Ex de catastrophe naturelle imminente : cyclone, éruption d’un volcan (CE, 18 mai 1983, F. Rodes, n° 25308), éboulement d’une falaise (CAA Marseille, 19 juin 2006, Assoc. Saint-Jean de Grasse, n°04MA01953 ; CAA Douai, 22 février 2007, commune de Gonfreville l’Orcher, n° 06DA00494).
- Y a-t-il adéquation entre la mesure prise et le danger ?
En cas de danger grave et imminent, le maire dispose d’un grand nombre de mesures pour faire cesser l’exposition au risque encouru. La collectivité ne sera alors vu comme responsable qu’en cas de disproportion entre le danger et la ou les mesures prises. Mais dès lors que le danger cesse, la mesure prise doit cesser également, car elle ne doit correspondre qu’à un danger grave et imminent, une situation d’urgence. Ces mesures de sauvegarde et de prévention doivent être temporaires ou limitées : CE, 21 octobre 2009, Mme A, n°310470.
Responsabilité pénale
L’article 121-2 du Code pénal précise que les communes sont responsables pénalement, lorsque des infractions sont « commises pour leur compte, par leurs organes ou représentants ». Il faut néanmoins que ces infractions soient commises dans l’exercice d’activités susceptibles de faire l’objet de conventions de délégation de service public.
Les condamnations des maires sont en revanche plus fréquentes. Même si les crimes et délits doivent être intentionnels (article 121-3 du Code Pénal), il existe des délits d’imprudence, de négligence et de mise en danger de la vie d’autrui.
La loi du 22 juillet 1987 a rendu nécessaire l’intégration aux documents d’urbanisme des zones de risques technologiques majeurs.
L’étude de la Jurisprudence montre que la responsabilité pénale des maires est de moins en moins engagée notamment grâce à la loi du 10 juillet 2000 (loi FAUCHON) qui a divisé par deux les poursuites et les condamnations des élus.
Exonération de responsabilité du maire
En revanche, le maire est exonéré de sa responsabilité dans certains cas :
- En cas de force majeure
La force majeure doit regrouper trois éléments cumulatifs : l’extériorité de l’événement, l’imprévisibilité et l’irrésistibilité. Néanmoins, l’exonération pour cause de force majeure tend à se restreindre concernant le domaine skiable, les catastrophes naturelles ne répondant plus nécessairement à la qualification du cas de force majeure
- CE, 14 mars 1986, commune de Val d’Isère c/Mme BOSVY et autres : une avalanche n’est pas vue comme un cas de force majeure
- Jugement Tribunal Administratif de Grenobles, 2 juin 1994, à propos de la crue torrentielle du GrandBornand de juillet 1987 en Haute-Savoie : pour qu’une catastrophe naturelle soit jugé comme imprévisible, et puisse donc constituer un cas de force majeure, le rythme de cet évènement doit au moins être séculaire.
- CE, 3 mai 2006, ministre de l’Equipement, n°261956 : l’exonération de responsabilité a été écarté au titre d’une répétition d’un tel événement « au cours du siècle dernier »
- CAA Bordeaux, 19 juin 2003, Département de la Martinique, n°99BX02338 : des précipitations d’une importance centennale, mais qui ont déjà eu lieu 9 ans auparavant, ne sont pas un cas de force majeure
- CAA Lyon, 27 décembre 2001, M et Mme Druliolle, n°95LY01357 : pour une avalanche sur un site exposé connu de tous
- CE, 26 juillet 2006, MAIF, n° 272621 : la chose est réitérée pour des vents de forte intensité
- CAA Bordeaux, 3 avril 1995, consorts Boyer, n°94BX00378 : un seul précédent significatif peut être suffisant pour établir la connaissance du risque que pouvait avoir l’administration
- En cas de faute de l’usager
Dans un tel cas, la commune se doit de montrer qu’elle a bel et bien répondu à ses obligations de sécurité, et que la faute de la victime l’exonère partiellement ou totalement.
Ainsi, dans le cas d’une piste de ski fermée, la fermeture étant indiquée par la commune, la responsabilité retombe sur l’usager. Si ce dernier prend le risque d’emprunter les pistes en dehors des horaires d’ouverture, alors il est sous son entière responsabilité, et non sous celle de l’exploitant ou de la commune : Cour de cassation 01 juin 2011 n°10-15.384, « L’exploitant n’est pas responsable d’un accident survenu sur une piste fermée au public (fermeture matérialisée par un filet en travers de l’entrée de la piste et une bannière en quatre langues). En empruntant la piste fermée, le skieur contreviens à l’arrêté municipal de sécurité qui règlemente l’usage des pistes et s’était sciemment exposé aux risques en raison desquels la piste avait été fermée (enneigement défectueux / travaux sur le canon à neige) ».
- Si la responsabilité incombe à un autre acteur que le maire
Dans le cas
notamment du convoyage par engin motorisé vers les restaurants d’altitude, le
Code de l’Environnement fait explicitement porter la responsabilité sur l’exploitant
sur le voyage aller-retour vers le restaurant d’altitude :
Article R362-1-2 du Code de l’Environnement « Le convoyage aller et retour de la clientèle s'effectue par l'utilisation d'engins motorisés conçus pour la progression sur neige, sous la responsabilité de l'exploitant de l'établissement. La conduite des engins est assurée soit par l'exploitant ou ses salariés, soit par un prestataire disposant d'une relation contractuelle avec l'exploitant, à l'exclusion des clients. |
Le maire ne peut déléguer son pouvoir de police certes, mais il a la possibilité, par l’intermédiaire de ce pouvoir justement, d’encadrer la sécurité par le biais des arrêtés municipaux, qui viennent fixer les différentes règles s’appliquant sur la commune comme par exemple les règles de sécurité et la responsabilité qui en découle. Il peut ainsi faire porter cette responsabilité sur autrui, comme l’exploitant du restaurant d’altitude par exemple.
Jurisprudence
Le maire doit assurer la sécurité des pistes, en prenant des mesures pouvant aller jusqu’à la fermeture de ces pistes (en cas de danger, par exemple de verglas) : CE, 4 mars 1991, commune de Saint-Lary-Soulan, ou encore CAA Lyon, 11 juillet 2006, Mme Oumelkir X, n°01LY00189
La non signalisation d’une clôture à fleur de neige dans une zone hors-piste tolérée est de nature à engager à la responsabilité de la commune : CE, 9 novembre 1983, Cousturier, in Jurisques, 2000
Après appréciation du juge, une cunette d’importance limitée non signalée n’a pas à être signalée un jour de bonne visibilité : CAA Lyon, 8 Octobre 2009, commune de LANDRY n°07LY01938 ; CE, 19 février 2009, commune de Font-Romeu n°293020
L’absence de signalisation d’une plaque rocheuse sous la neige, obstacle fréquent en haute montagne, contre lequel les skieurs doivent se prémunir de façon normale, ne constitue pas une faute imputable au maire dans sa mission de sécurité : CE, 16 juin 1986, Rebora, in Jurisques, 2000 ; CAA Lyon, 8 Octobre 2009, commune de LANDRY précitée
Le maire n’est pas responsable d’un accident survenu sur un chemin hors-piste, la responsabilité du défaut de signalisation des limites du domaine skiable incombe en effet dans ce cas à l’exploitant du domaine : CE, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 31 mai 2013, M. C. E. c/ commune de Chamrousse (requête n° 350887)
Le maire peut être reconnu pénalement responsable dans un cas d’avalanche où le risque était connu et qui n’aurait pas agi de la manière adéquate à savoir en prenant des mesures d’évacuation : Tribunal correctionnel de Bonneville, 17 juillet 2003, n°654/2003
Le maire est responsable de l’alerte et de l’organisation de la prévention de la population : Arrêt Cass-Crim.14 novembre 2000-n°6781