JURISMONTAGNE
PLATEFORME JURIDIQUE AU SERVICE DES ADHÉRENTS
DE L'ASSOCIATION NATIONALE DES MAIRES DES STATIONS DE MONTAGNE
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La protection fonctionnelle des élus

Fiche publiée le 09/07/2020
(dernière mise à jour le 20/07/2020)
Description :
protection fonctionnelle des élus - diffamation - injure - protection - fonction exécutive. La protection fonctionnelle des élus est l'extension de la protection que l'administration accorde à ses agents dans l'exercice de leurs missions.

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Présentation de la situation

La protection fonctionnelle est un dispositif conçu à l’origine pour protéger les agents publics des violences ou atteintes subies du fait ou à l’occasion de leur fonction. De par leur statut d’agent public, ils bénéficient en effet d’une aide, notamment juridique mais cette assistance peut aussi être psychologique, dans les cas où le dommage, l’outrage ou leur mise en cause est une cause directe de leur fonction.

On la trouve une première fois étendu aux élus par le biais de la loi °96-393 du 13 mai 1996 relative à la responsabilité pénale pour des faits d’imprudence ou de négligence.

La loi n°2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité a définitivement étendu ce dispositif aux élus, en introduisant dans le CGCT l’article L.2123-35 fournissant cette même protection fonctionnelle (protection du fait de la fonction) aux maires ou élus le suppléant ou ayant reçu une délégation.

La loi Engagement et proximité n°2019-1461 du 27 décembre 2019, en son article 30, vient renforcer ce dispositif de protection fonctionnelle des élus.

Législation actuelle

Article L2123-34 du CGCT

 Sous réserve des dispositions du quatrième alinéa de l'article 121-3 du code pénal, le maire ou un élu municipal le suppléant ou ayant reçu une délégation ne peut être condamné sur le fondement du troisième alinéa de ce même article pour des faits non intentionnels commis dans l'exercice de ses fonctions que s'il est établi qu'il n'a pas accompli les diligences normales compte tenu de ses compétences, du pouvoir et des moyens dont il disposait ainsi que des difficultés propres aux missions que la loi lui confie.

 

La commune est tenue d'accorder sa protection au maire, à l'élu municipal le suppléant ou ayant reçu une délégation ou à l'un de ces élus ayant cessé ses fonctions lorsque celui-ci fait l'objet de poursuites pénales à l'occasion de faits qui n'ont pas le caractère de faute détachable de l'exercice de ses fonctions.

 

La commune est tenue de souscrire, dans un contrat d'assurance, une garantie visant à couvrir le conseil juridique, l'assistance psychologique et les coûts qui résultent de l'obligation de protection à l'égard du maire et des élus mentionnés au deuxième alinéa du présent article. Dans les communes de moins de 3 500 habitants, le montant payé par la commune au titre de cette souscription fait l'objet d'une compensation par l'Etat en fonction d'un barème fixé par décret.

 

Lorsque le maire ou un élu municipal le suppléant ou ayant reçu une délégation agit en qualité d'agent de l'Etat, il bénéficie, de la part de l'Etat, de la protection prévue par l'article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.

Article L2123-35 du CGCT

 Le maire ou les élus municipaux le suppléant ou ayant reçu délégation bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions, d'une protection organisée par la commune conformément aux règles fixées par le code pénal, les lois spéciales et le présent code.

 La commune est tenue de protéger le maire ou les élus municipaux le suppléant ou ayant reçu délégation contre les violences, menaces ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion ou du fait de leurs fonctions et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté.

 La protection prévue aux deux alinéas précédents est étendue aux conjoints, enfants et ascendants directs des maires ou des élus municipaux les suppléant ou ayant reçu délégation lorsque, du fait des fonctions de ces derniers, ils sont victimes de menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages.

 Elle peut être accordée, sur leur demande, aux conjoints, enfants et ascendants directs des maires ou des élus municipaux les suppléant ou ayant reçu délégation, décédés dans l'exercice de leurs fonctions ou du fait de leurs fonctions, à raison des faits à l'origine du décès ou pour des faits commis postérieurement au décès mais du fait des fonctions qu'exerçait l'élu décédé.

 La commune est subrogée aux droits de la victime pour obtenir des auteurs de ces infractions la restitution des sommes versées à l'élu intéressé. Elle dispose en outre aux mêmes fins d'une action directe qu'elle peut exercer, au besoin par voie de constitution de partie civile, devant la juridiction pénale.

La commune est tenue de souscrire, dans un contrat d'assurance, une garantie visant à couvrir le conseil juridique, l'assistance psychologique et les coûts qui résultent de l'obligation de protection à l'égard du maire et des élus mentionnés au deuxième alinéa du présent article. Dans les communes de moins de 3 500 habitants, le montant payé par la commune au titre de cette souscription fait l'objet d'une compensation par l'Etat en fonction d'un barème fixé par décret.

Ainsi que le précise cet article, la protection fonctionnelle est assurée par la commune, afin de protéger le maire, ou les élus municipaux le suppléant ou ayant reçu délégation, et ce contre les violences, menaces ou outrages dont ils pourraient être victimes à l’occasion ou du fait de leurs fonctions. Cela concerne aussi les diffamations et injures. Cette protection fonctionnelle ne s’applique pas qu’aux maires mais aussi à leurs conjoints, enfants et ascendants directs, s’ils sont également victime d’atteinte du fait de la fonction de maire de leur proche.

La protection est dite fonctionnelle car elle dépend de la fonction, ne bénéficiant en effet qu’au maire, ou un élu municipal le suppléant ou ayant reçu délégation. Il est utile de préciser que la protection fonctionnelle dépend en réalité de la seule fonction exécutive de l’élu, ne bénéficiant à première vue qu'au maire, ce que la récente jurisprudence a pu confirmer : CAA de Nancy, 12 décembre 2019, Association Anticor.

L’arrêt vient confirmer que le choix du législateur a été de n’étendre la protection fonctionnelle qu’aux élus qui participent à la fonction exécutive au sein des collectivités territoriales, à l’exclusion de tous les autres, que ces élus appartiennent ou non à la majorité municipale.

La loi Engagement et proximité est venue renforcer ce dispositif par l’ajout du dernier alinéa, rendant obligatoire la souscription à un contrat d’assurance garantissant la protection fonctionnelle. Ce même article 30 de la loi Engagement et proximité permet la compensation du montant payé par la commune pour cette souscription pour les communes de moins de 3500 habitants. Le caractère obligatoire de l’assurance vient renforcer la protection fonctionnelle et la compensation permet de ne pas rendre le dispositif trop lourd financièrement pour les petites communes.

Le risque plus élevé de responsabilité et d’agression des maires rend ce dispositif d’autant plus actuel, à une époque où le sentiment d’insécurité chez les maires est croissant à en croire l’étude « Le risque des élus et le bilan du mandat actuel ».

Il ne faut pas oublier que la protection fonctionnelle ne s’applique que pour les actes commis dans l’exercice des fonctions du maire ou de l’élu suppléant. Ainsi, si la faute est personnelle et sort du cadre des fonctions de l’élu, la protection fonctionnelle ne peut plus s’appliquer. C’est la seule limite de ce dispositif : la qualification de la faute. La jurisprudence du 12 décembre 2019 affirme cette limite : « Présentent le caractère d’une faute personnelle détachable des fonctions de maire des faits qui révèlent des préoccupations d’ordre privé, qui procèdent d’un comportement incompatible avec les obligations qui s’imposent dans l’exercice de fonctions publiques ou qui, eu égard à leur nature et aux conditions dans lesquelles ils ont été commis, revêtent une particulière gravité. En revanche ni la qualification retenue par le juge pénal ni le caractère intentionnel des faits retenus contre l’intéressé ne suffisent par eux-mêmes à regarder une faute comme étant détachable des fonctions, et justifiant dès lors que le bénéfice du droit à la protection fonctionnelle soit refusé au maire qui en fait la demande. »

 è  La qualité d’élu local n’est qu’un préalable à l’octroi de la protection fonctionnelle, lequel suppose par ailleurs une participation effective à la fonction exécutive locale, que l’on peut lier à la capacité de prendre des décisions au nom de la collectivité et/ou à celle d’en assurer l’exécution effective.

La protection reste due après la cessation du mandat, dès lors que les attaques ont trait à des faits commis ou des propos tenus au cours du mandat.

Jurisprudence

CE, 5 mai 1971, Gillet, n°79494 :

Principe général du droit de protection des agents publics : « lorsqu’un agent public a été poursuivi par un tiers pour une faute de service, la collectivité publique doit, dans la mesure où une faute personnelle détachable de l’exercice de ses fonctions n’est pas imputable à cet agent, le couvrir des condamnations civiles prononcées contre lui ».

Cass. crim. 10 mai 2005, n° 04-84633 :

La collectivité a un devoir de protection envers ses agents s’ils sont menacés ou outragés dans l’exercice de leurs fonctions.

CE, 20 avril 2011, Bertrand, n° 332255 :

              Le fonctionnaire ne peut se voir refuser la protection de l’administration pour motif d’intérêt général.

CE, sect., 8 juin 2011, Farré, n°312700 :

La protection fonctionnelle peut s’appliquer à un président élu d’un établissement public administratif.

CAA Versailles, 20 décembre 2012, n° 11VE02556 :

La Cour décide d’appliquer l’article L.2123-34 du CGCT : l’organe délibérant est exclusivement compétent pour octroyer la protection fonctionnelle.

CAA Marseille, 6 décembre 2013, n°12MA00390 :

              La protection fonctionnelle s’applique si le maire est victime d’injures et de diffamation.

CAA Bordeaux, 6 mai 2014, n° 12BX03112 :

La protection fonctionnelle n’a pas pour but de mettre à la charge de la collectivité la poursuite dans les prétoires des débats politiques.

CAA de Nancy, 12 décembre 2019, Association Anticor, n°18NC02134 :

La protection fonctionnelle a été accordée au maire de la commune et refusée à un conseiller municipal de l’opposition par une délibération municipale du 25 septembre 2017. Le Tribunal administratif de Strasbourg, dans une décision du 30 mai 2018, a rejeté les demandes d’annulation de cette délibération. L’arrêt vient confirmer la condition de participation à la fonction exécutive pour bénéficier de la protection fonctionnelle. En l’espèce, le maire était mis en cause car accusé d’avoir tenu des propos diffamatoires à l’encontre de l’opposition dans le journal municipal. La justice a considéré que la mise en cause était en lien avec sa fonction.